Les raisons d'être optimiste
Marie-Pierre Peillon : Notre scénario s’intitule « optimisme prudent ». Bien que nous partions d’une situation conjoncturelle fortement dégradée liée à la récession en zone euro, nous avons quatre raisons, au moins, d’être optimistes. La première, sur le plan conjoncturel on voit qu’il y a au moins deux zones où ça s’améliore : aux États-Unis grâce à une reprise immobilière et également en Chine où on a une stabilisation de l’activité. Le deuxième élément, on a eu une forte avancée du processus de désendettement des agents privés aux États-Unis, que ce soit le secteur bancaire ou les ménages. Le troisième élément, c’est qu’on a eu des avancées pour la construction d’une nouvelle gouvernance Européenne. Et puis le quatrième élément, c’est que nous resterons avec des politiques monétaires très accommodantes aux États-Unis comme en Europe.
Les facteurs de risque
Marie-Pierre Peillon : Il y a quatre raisons qui nous amènent à être plus prudents. D’abord parce que le processus de croissance s’est durablement entamé en Europe, les réformes prendront du temps à porter leurs fruits. Le deuxième élément est que la croissance des pays émergents sera plus faible que par le passé dans les années à venir. Le troisième élément, c’est que les politiques budgétaires aujourd’hui vont devoir évoluer en plus restrictives aux Etats-Unis et accepter des reports d’ajustement de déficit en Europe. Enfin, le dernier élément qui concerne l’Europe, où on va avoir une période électorale importante : des élections en Italie et en Allemagne qui peuvent conduire à un certain immobilisme dans la résolution de la crise européenne.
Scénario macroéconomique
Marie-Pierre Peillon : Nous anticipons dans ce contexte un lent retour de la croissance mondiale autour de 3 % en 2013, soit le niveau de 2012, et autour de 4 % en 2014. Mais les trois zones ne vont pas connaître une croissance égale. D’abord en zone euro, une nouvelle récession est anticipée en 2013 de l’ordre de 0,5 %. Ce qui est intéressent à noter, c’est le profil de la croissance, c’est-à-dire que nous anticipons à mi-année une légère reprise de cette croissance pour terminer l’année 2014 légèrement positif, entre 0,2 % et 0,7 %. Du côté des États-Unis, après un début 2013 difficile à cause des négociations sur le « fiscal cliff », nous anticipons un redémarrage sur la seconde partie de 2013 et donc une estimation de croissance de 1,8 %, puis entre 2,5 % et 3 % en 2014. Enfin, du côté des émergeants, nous anticipons un redémarrage également de la croissance chinoise de l’ordre de 8,3 %, également pour le Brésil à 3,5 %. Partir sur 2014, par contre, nous anticipons plutôt un tassement autour de 7,5-8 % pour la Chine et un maintien pour le Brésil de l’ordre de 3,5 %.
Le marché des taux
Gaëlle Malléjac : En 2013 pour les taux nous nous dirigeons vers plus de convergence. Les marchés resteront très sensibles aux décisions politiques des deux côtés de l’Atlantique, que ce soit aux États-Unis autour du mur budgétaire, en zone euro autour des poursuites des avancées institutionnelles. Nous restons dans un environnement qui sera soutenu par des banques centrales qui vont restées accommodantes. Néanmoins, l’amélioration conjoncturelle attendue aux États-Unis pour le second semestre devra s’accompagner du début d’anticipation de sortie de ces politiques en raison 2014.
En ce qui concerne les taux longs américains et allemands, 2012 a vu de nouveaux points bas sur ces deux marchés, sur ces deux types de taux. En 2013 une page se tourne. L’amélioration conjoncturelle des deux côtés de l’Atlantique et les anticipations de sortie des politiques non conventionnelles aux Etats-Unis nourriront une remontée, qui restera modérée, des taux américains et des taux allemands.
En ce qui concerne les pays périphériques, leurs taux sont très sensibles aux décisions politiques et ont entamé une phase de normalisation depuis l’intervention décisive de la Banque Centrale Européenne en 2012. Nous attendons une poursuite de cette normalisation et donc une baisse des taux de l’Italie et de l’Espagne pour 2013.
Le marché du crédit
Gaëlle Malléjac : Sur le marché du crédit 2012 est une année exceptionnelle en termes de performance. 2013 offre moins de perspectives que 2012. Néanmoins, la classe d’actifs devrait continuer de rester favorisée par l’environnement économique et nos anticipations, le soutien des banques centrales et la recherche de la part des investisseurs de rendement dans cet environnement de taux bas. 2013 sera donc une année de portage plus que de resserrement des primes de risque. Il faudra chercher à être sélectif et donc bien cibler les sources de valeur.
Les marchés actions
Claire Chaves d’Oliveira : 2013, ça-y-est, c’est la cicatrisation des marchés actions. Les marchés actions vont mieux, ça a été difficile, mais ça va mieux. Ce n’est pas l’euphorie, mais ça va mieux. Cf notre scénario macro-économique et les résultats des entreprises qui sont finalement assez solides, puisqu’on attend une croissance de 7 % des résultats des entreprises pour l’Europe, tirée, entre autres, par la croissance des pays émergents, qui est bien meilleure que celle que l’on connait en Europe. Le tout dans un contexte où la prime de risque s’est considérablement effacée et dans un contexte où les investisseurs ont été absents des marchés actions, et notamment européens, pendant des années – la stratégie « tout sauf l’Europe ». Maintenant ça-y-est, ils reviennent. On les a vus fin 2012 et on les a vus surtout en début 2013 de façon assez spectaculaire. Et tout ça est très favorable pour les marchés actions. Maintenant tout devrait se passer normalement et les marchés actions devraient reprendre une activité normale, à la hausse.
Nos portefeuilles actions
Claire Chaves d’Oliveira : Comment ça se traduit dans nos portefeuilles ? Dans nos portefeuilles d’allocations géographiques, on va privilégier l’Europe et l’Asie, alors que pendant très longtemps on s’était réfugié, comme tout le monde, sur les États-Unis. Donc de nouveau l’Europe et l’Asie. Et dans nos portefeuilles européens, qu’est-ce qu’on fait ? Depuis le début de l’automne on est revenu beaucoup sur les valeurs financières qui sont libérées de la prime de risque et on commence graduellement à revenir sur les valeurs les plus cycliques, exposées aux cycles économiques. Et à contrario, on se méfie des secteurs très défensifs, très chers.