EBM : L’Assemblée Générale du Groupe Orange : l’occasion de faire le point sur la stratégie et les actualités du groupe, avec son Président Directeur Général, Stéphane Richard, bonjour. Alors, on a une performance boursière du Groupe Orange sur 12 mois glissants depuis la dernière AG, ou depuis le 1er janvier de cette année, qui est tout à fait spectaculaire. Une des plus fortes, sinon la plus forte du CAC 40. Finalement, comment on l’explique ?
Stéphane Richard : Je crois qu’elle est d’abord due à la qualité des résultats du Groupe, ceux de l’année 2013, ceux du premier trimestre 2014, où on a en particulier montré qu’on était très focalisé sur la structure de coût du Groupe. Les perspectives de chiffre d’affaire, elles sont ce qu’elles sont : on est dans des marchés qui restent sous forte pression. Par contre tout ce qu’on peut faire pour améliorer l’efficacité, et donc réduire la structure de coût, ça c’est immédiat et c’est à notre main. On a montré qu’on était capable de le faire. Je crois que c’est la première chose que le marché a reconnu. Ensuite, clairement, il y a le retour à une forme d’intérêt, pour ne pas dire de spéculation, sur le secteur des télécoms en Europe, avec des perspectives de consolidation dans plusieurs grands marchés où nous sommes présents. Il est clair que ça a aussi aidé à la dynamique du titre.
EBM : On sait que le marché était assez sceptique sur votre capacité à réduire les coûts. Vous avez délivré. Comment avez-vous fait ?
Stéphane Richard : Tout simplement on s’est focalisé. Je crois que cette entreprise a parmi ses grandes valeurs celle de la capacité à se mobiliser quand l’objectif est clair, et qu’il y a un grand alignement entre la direction de l’entreprise et toutes les couches de management. C’est ce qu’on a fait. On l’a fait d’abord en l’expliquant : pourquoi il fallait le faire. On l’a fait sur la base, je crois, d’un climat social, d’un consensus interne qui est assez large. Il y a une compréhension profonde du corps social de cette nécessité d’adapter notre outil face à un marché qui a connu des baisses de prix très fortes dans les deux dernières année. Et toute entreprise s’est mise en marche. Et donc, oui, je pense qu’on a des marges de manœuvre, on en a encore, et pour nous la focalisation du management sur cet aspect-là de la gestion, elle est absolument essentielle et c’est elle qui explique les résultats.
EBM : Alors on a eu cette agréable surprise au premier trimestre, stabilisation de la marge d’EBITDA et puis une performance commerciale qui est bonne en France. Finalement, quels sont les ingrédients de ce succès ?
Stéphane Richard : La stabilisation de la marge d’EBITDA, elle a été atteinte pour l’essentiel par les actions énergiques sur les coûts. Puisqu’aujourd’hui nous compensons 70% de la baisse du chiffre d’affaire par des réductions de coûts. Ce qui nous permet de stabiliser la marge. Et je suis heureux qu’on ait pu dès le premier trimestre de 2014 atteindre cet objectif que j’ai fixé pour l’ensemble de l’année. Naturellement on va continuer dans ce sens, et renforcer même encore nos actions. Sur le plan commercial les bons chiffres s’expliquent par le succès des nouvelles technologies, et de la 4G en particulier. Vous savez qu’on y a mis beaucoup de moyens. On a décidé d’accélérer nos investissements et la couverture. Ça paye, parce qu’il y a un vrai intérêt, un vrai appétit des clients pour la 4G. Il y a le décollage de la fibre aussi, qui nous aide à maintenir en tout cas des niveaux de conquête sur le marché du fixe de bon niveau. Donc, on a des offres qui marchent, les offres convergentes, les offres de bas de marché Sosh, la 4G, la fibre : ça fait un ensemble qui nous permet effectivement d’être compétitif dans ce marché. Je voudrais juste rappeler un chiffre : nous avons une part de marché valeur en France qui a légèrement progressé en 2013, ce qui est quand-même une belle performance avec l’arrivée d’un nouvel opérateur.
EBM : Alors, quels sont aujourd’hui vos priorités de management ou vos sujets de préoccupation ?
Stéphane Richard : Ça tient d’abord à, je dirais, la poursuite des efforts d’adaptation qu’il nous faut conduire pour qu’Orange soit totalement compétitif dans ce marché très concurrentiel dans lequel on est, en Europe, partout en Europe. Notamment, en France, bien sûr, parce qu’on a les structures de l’opérateur historique, donc on a encore des efforts importants à faire dans le sens de la réduction des effectifs mais aussi de la réorganisation qui nous permette de mieux répondre aux besoins de nos clients tout en étant plus performant sur le plan économique. Il y a certains marchés européens sur lesquels on est très attentifs. Je pense en particulier à la Belgique, où on voit une accélération vers la convergence alors que nous nous sommes qu’opérateur mobile. Donc on a une question stratégique qui se pose à laquelle je suis moi très attentif. Sur les autres grands marchés on est plutôt bien placé puisqu’en Pologne où en Espagne en particulier on est déjà convergent. Mais partout en Europe la situation concurrentielle est quand-même très exigeante. Sur le reste du Groupe, il y a la division Entreprises, qui elle-même, bien sûr, subit les contrecoups d’une croissance très faible et des pressions sur les budgets des donneurs d’ordre. Donc on a beaucoup d’efforts aussi à faire dans ce domaine avec des résultats encourageants. Et puis enfin l’Afrique et le Moyen-Orient qui nous fournit encore la croissance – plus de 5% par an – et dans laquelle là, je dirais, la perspective est plutôt de continuer notre expansion et d’améliorer nos performances.
EBM : Enfin, pour conclure, le sujet de la consolidation du secteur en France : alors, serpent de mer ou réalité ?
Stéphane Richard : La réalité c’est qu’il y a probablement un opérateur de trop dans le mobile en France. Qui est cet opérateur de trop ? C’est encore un peu tôt pour le dire. Je suis convaincu pour ma part que la taille de la France, trois opérateurs disposant d’un réseau, c’est ça le bon niveau. C’est pas un hasard si on voit en Allemagne un projet consistant de passer de quatre à trois, ou en Irlande, pays encore plus petit. Dans d’autre pays européens il y a des projets également dans ce sens. Donc je crois qu’il y a une réalité économique qui s’impose, face à toutes les idéologies, qui est que on a des marchés qui sont limités, qui sont déjà saturés, et que donc il n’y a de la place que pour trois opérateurs. C’est ce que je pense profondément. Donc la consolidation pour moi elle est inéluctable. Combien de temps elle prendra, avec quels acteurs elle se fera ? C’est un peu tôt pour le dire. En ce qui concerne Orange, la seule chose que je veux dire, c’est que la vocation d’Orange n’est pas de réparer le marché. J’entends parfois dire ça. On n’est pas le gouvernement, on n’est pas le régulateur, on n’est pas l’autorité de la concurrence. On est une entreprise qui défend d’abord ses actionnaires, ses clients et ses salariés. Et donc Orange se comportera dans ce jeu en ayant en tête uniquement l’intérêt de ses actionnaires, de ses clients, de ses salariés. Si nous estimons qu’à un moment donné, il y a un projet de consolidation dans lequel nous pouvons participer, ce qui ne veut pas dire forcément piloter seul, mais participer, et qui permette effectivement de réintroduire une forme de stabilité dans les trajectoires d’investissement qui sont nécessaires dans notre industrie, bien sûr on le fera à condition que ce soit créateur de valeur pour les actionnaires, les clients, les salariés.
EBM : Stéphane Richard, Président Directeur Général d’Orange, je vous remercie.
Stéphane Richard : Merci à vous.