EuroBusinessMedia (EBM) : Benoît Potier, bonjour. Vous êtes le Président-directeur général du groupe Air Liquide. Vous annoncez aujourd'hui vos résultats pour l'année 2016. Que faut-il retenir de cette année ?
Benoît Potier : C'est bien sûr l'acquisition d'Airgas qui est l'événement majeur de l'année écoulée. C'est une étape majeure pour notre développement géographique mais également pour l'extension de nos marchés, avec un renforcement de la présence aux Etats-Unis, puisque les Etats-Unis représentent le plus grand marché des gaz industriels au monde. C'est aussi une opération que nous avons menée avec succès en moins d'un an, la clôture de l'acquisition a eu lieu le 23 mai puis l'étape de refinancement, les cessions d'actifs et enfin la fusion opérationnelle au 1er octobre et puis tout de suite, derrière, les premières synergies.
Nos équipes ont été très mobilisées tout au long du projet et le processus d'intégration se passe très bien. Et nous constatons d'ores et déjà les premières synergies.
EBM : En ce qui concerne le financement, vous avez choisi de financer 2/3 par la dette et 1/3 par augmentation de capital. Pourquoi avoir fait appel aux actionnaires dans cette période où la dette est peu chère ?
Benoît Potier : Bien sûr la dette est peu chère. Mais ce que nous avons cherché à faire avant tout, c'est de maintenir un bilan solide avec un taux d'endettement qui soit raisonnable et qui, par voie de conséquence, nous amène à une notation dite "A", qui est très importante pour nous en particulier, puisque nous avons un métier de contrats à long terme, contrats qui impliquent la confiance des clients. Si nous avons une bonne notation, nous sommes évidemment dans une meilleure position.
Et puis le deuxième point, ça a été le rôle de l'actionnaire dans le financement des entreprises. De façon générale, nous avons souhaité associer nos actionnaires à cette opération. C'est un peu une singularité dans la place puisqu'effectivement, la dette n'est pas chère. Je crois que cet équilibre entre le financement par les actionnaires, pour les associer, et le financement par la dette, est ce qu'Air Liquide souhaite faire dans la durée.
EBM : 2016, c'est également l'année du lancement de votre programme d'entreprise 2016-2020, un programme que vous avez baptisé "NEOS". Quelles en sont les grandes lignes ?
Benoît Potier : En effet, c'est le deuxième fait marquant de l'année. Alors, il s'agit d'un plan de transformation qui place le client au cœur de notre stratégie. Nous avons constaté que le client était de plus en plus amené à définir les grandes tendances par ses comportements. C'est pour ça qu'on cherchait d'abord à identifier les grandes tendances, notamment la transition énergétique et environnementale, la transformation du monde de la santé et la transformation numérique. Ce seront 3 sources additionnelles non seulement de croissance pour Air Liquide mais également d'efficacités pour le groupe. Cette transformation va associer investissements industriels ciblés mais également développement du numérique et poursuite des innovations.
NEOS, c'est bien sûr aussi des objectifs de croissance ambitieux en termes de performance, et également de responsabilité. Et je crois que c'est un point que nous avons aussi cherché à mettre en avant dans le développement de NEOS.
EBM : 2016, l'acquisition d'Airgas, le lancement d'un nouveau programme d'entreprise (NEOS), donc une année très importante au niveau stratégique. Qu'en est-il des opérations ? Comment l'année s'est-elle passée ?
Benoît Potier : La performance a été solide. En 2016, nous avons signé de nouveaux contrats, investi de l'ordre de 2 milliards d'euros notamment dans les marchés prometteurs, et puis nous avons continué à innover.
La performance du groupe, qui consolide Airgas sur une partie de l'année, a été solide. J'en veux pour preuve une hausse des ventes, du résultat net et du bénéfice net par action, malgré des effets de change et d'énergie qui ont été défavorables. Au global, le chiffre d'affaires du groupe ressort à 18,1 milliards d'euros. C'est une croissance portée par l'acquisition d'Airgas et, également, par des volumes dans la Grande Industrie, un bon dynamisme dans la Santé et les nouveaux marchés porteurs de l'activité "Marchés globaux & Technologies", qui est une activité récente dans le groupe Air Liquide.
D'un point de vue géographique, toutes les géographies sont en croissance, en variations comparables, et on note un bon dynamisme des économies en développement.
EBM : Est-ce que je peux demander un point en particulier sur l'activité Industriel Marchand qui est le métier d'Airgas ?
Benoît Potier : Oui.. Alors, avec Airgas, évidemment, l'activité bondit de 45 % mais l'activité globale que nous appelons Industriel Marchand, en croissance comparable, est en léger retrait de 1,6 %. C’est une situation assez contrastée selon les pays et les secteurs qui sont desservis. Quelques exemples : l'Europe est stable, la Chine est en croissance, en croissance solide, l'Amérique du Nord, elle, a été affectée par un niveau assez faible d'activité dans l'industrie manufacturière. Mais la demande est restée solide dans d'autres secteurs comme le secteur de l'alimentaire, des boissons ou de la pharmacie.
EBM : Alors, reprenons un peu de recul, si vous le voulez bien, pour parler au niveau du groupe. Comment l'activité en 2016 se traduit-elle au niveau du compte de résultat ?
Benoît Potier : Au-delà des ventes, nous avons poursuivi les gains d’efficacité, de l'ordre de 315 millions d'euros en 2016, qui est en ligne avec nos objectifs NEOS. Et au-delà, 45 millions de dollars de premières synergies de coûts qui sont liées à Airgas et qui sont conformes à notre plan. Tout cela se traduit par un résultat opérationnel courant qui est en hausse de près de 6 %, un robuste cash-flow et qui, combinés à l'augmentation de capital, permettent de ramener le taux d'endettement à 90 % à fin 2016. Ce qui est en avance sur nos prévisions.
Ces bons résultats nous permettent également de proposer une nouvelle hausse du dividende en 2017.
EBM : Donc, si je vous entends bien, l'acquisition d'Airgas a un effet immédiat aussi bien sur la croissance des ventes qu'un effet positif sur le résultat et le bénéfice par action.
Benoît Potier : Absolument. Et même en intégrant les coûts de l'opération et l'augmentation de capital, cette acquisition est relutive à la fois sur le résultat net et sur le bénéfice net par action.
EBM : Donc, une performance solide en 2016. Comment se présente 2017 ? Etes-vous confiant dans le moyen terme ?
Benoît Potier : Alors, 2017, nous avons d'abord un environnement géopolitique qui reste incertain puisque nous avons eu des événements importants comme le BREXIT, une élection aux Etats-Unis, des élections à venir en Europe. Donc, au global, de nouveaux équilibres qu'il nous faudra trouver.
Un environnement économique avec une sorte de mix des effets de change et des prix d'énergie qui ont été défavorables en 2016 et qui se sont inversés au 4e trimestre. Ils devraient être positifs en 2017. Une inflation qui reste basse au niveau mondial. Et, c'est un point important au 4e trimestre à noter, une amélioration de l'indice de production industrielle à la fin de l'année 2016.
EBM : Et pour Air Liquide ?
Benoît Potier : Pour Air Liquide, nous avons des fondamentaux solides pour 2017 mais également pour les années à venir. D'abord nos investissements. Nous investissons de l'ordre de 2 milliards - 2,1 milliards d’euros dans les investissements industriels qui sont en cours d'exécution actuellement et qui sont la garantie de la croissance future.
Le deuxième paramètre, c'est l'endettement qui a été maîtrisé compte-tenu de l'acquisition que nous venons de réaliser.
Et enfin, un objectif de porter notre retour sur capitaux utilisés au-delà de 10 % d'ici 5 à 6 ans. Actuellement, notre retour sur capitaux est de l'ordre de 7,8 % après impôt.
Deuxième point, c'est que le groupe met en œuvre sa transformation, qui est essentiellement une transformation centrée sur nos clients, avec une focalisation plus particulière sur la transformation digitale avec, d'abord les actifs qu’il faut savoir gérer en y introduisant les technologies à la fois de capteurs et les technologies digitales. Et puis un deuxième point qui est le client, avec la transaction autour du client. Et enfin, l'écosystème, c'est-à-dire à la fois les réseaux, réseaux externes et réseaux internes, sur lesquels nous avons un élément de transformation.
Donc, au global, c'est une grande confiance dans les perspectives de croissance à moyen terme du groupe puisque fondamentaux solides, transformation à l'œuvre et engagement de l'ensemble des collaborateurs, constituent, bien évidemment, la pierre angulaire de notre développement. Et notre objectif reste celui de créer de la valeur sur le long terme pour l'ensemble de nos parties prenantes.
EBM : Et enfin pour terminer vous étiez il y a quelques semaines à Davos, où vous avez annoncé la création du Conseil pour l'Hydrogène, quel est le sens de cette initiative ?
Benoît Potier : Cette initiative, en fait, a pris tout son sens depuis quelques mois puisque nous avions, en fait, des collaborations un peu individuelles avec un certain nombre de ces acteurs. Nous avons considéré qu'un lieu de rendez-vous comme Davos était probablement le bon point de départ pour créer une plateforme de collaboration mondiale, multisectorielle et également technologique, et de marché avec ces partenaires. C’est une des premières initiatives dans le domaine de l'hydrogène énergie parce que nous pensons que l'hydrogène est une des solutions clés de la transition énergétique pour le futur. Et c'est ce que nous avons voulu également affirmer au travers de cette initiative.
EBM : Benoît Potier, Président-directeur général du groupe Air Liquide, merci beaucoup.
Benoît Potier : Merci.