EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas, une des plus grandes banques d’Europe, publie ses résultats du deuxième trimestre 2012. Jean-Laurent Bonnafé, bonjour et bienvenue, vous êtes Administrateur Directeur Général de BNP Paribas. Quels commentaires avez-vous sur les résultats du Groupe au deuxième trimestre ?
Au 2e trimestre, BNP Paribas a réalisé de très bons résultats, malgré une conjoncture économique difficile. Le résultat net part du Groupe atteint 1,8 milliard d’euros, soit un résultat de 4,7 milliards d’euros pour le premier semestre 2012. BNP Paribas se place ainsi comme l’une des banques ayant une des plus fortes capacités bénéficiaires parmi ses pairs.
Le PNB est en recul, mais il reste supérieur à 10 milliards d’euros, alors qu’en parallèle, nous avons continué d’adapter nos coûts à un nouvel environnement, avec une baisse de 4% de nos frais de gestion par rapport au 2e trimestre 2011. Le coût du risque reste faible, à 50 points de base, et comparable au niveau des trimestres précédents hors Grèce.
Dans le pôle Domestic Markets, en dépit d’un ralentissement de la demande de la clientèle, les volumes continuent de progresser, en particulier pour les dépôts (+2,8%), en hausse dans chacun des marchés.
La mise en œuvre du plan d’adaptation se poursuit avec succès ; elle est pratiquement finalisée puisqu’à 6 mois de l’échéance, l’objectif est déjà atteint à 90%. Cela se traduit par des ratios de solvabilité très solides : le ratio « Common Equity Tier 1 » atteint désormais 10,9% en Bâle 2.5 et déjà 8,9% en Bâle 3 « fully loaded ». Notre objectif de porter ce ratio Bâle 3 à 9% en fin d’exercice, est donc virtuellement atteint.
Enfin, notre actif net comptable par action continue d’augmenter pour atteindre désormais 59,5 euros, soit une progression annuelle moyenne de 6,8% sur trois ans et demi.
EBM : Quelle est la tendance de vos provisions sur les crédits ? Quelle évolution prévoyez-vous pour le deuxième semestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Comme je le disais, le coût du risque reste faible, et pratiquement stable par rapport aux trimestres précédents, en excluant la Grèce.
Dans le pôle Domestic Markets, le coût du risque reste modéré : on constate une hausse à un niveau gérable en Italie, conséquence du ralentissement économique, alors que le niveau reste bas en France et en Belgique.
BancWest continue de bénéficier de l’amélioration de la conjoncture aux États-Unis, tandis que le pôle Personal Finance profite de la rigueur et de la sélectivité de notre politique de crédit.
Pour CIB, le coût du risque reste très faible grâce à la qualité du portefeuille.
Au deuxième semestre, le ralentissement de la conjoncture dans la zone euro pourrait encore peser sur le coût du risque, notamment en Italie. En revanche, pour d’autres entités comme BancWest et Personal Finance, nous devrions continuer à voir une amélioration par rapport à l’an dernier.
Ainsi, compte tenu de la très bonne qualité des actifs de BNP Paribas et sur la base de la situation économique actuelle, nous n’attendons qu’une augmentation modérée du coût du risque au deuxième semestre.
EBM : Etes-vous confiant dans la résistance de vos activités de Retail Banking en Europe au second semestre ? Sur ce point, qu’est-ce qui vous différencie de vos pairs ? Est-ce votre modèle économique ?
Nos activités européennes, dont notre pôle Domestic Markets représente une part majeure, ont été montré une très bonne résistance au premier semestre. Au deuxième trimestre, les crédits du pôle Domestic Markets ont progressés de 1,7 %, pour une augmentation des dépôts de 2,8%, avec, comme je le disais, une hausse dans chacun de nos marchés.
La crise de l’euro et la détérioration de la conjoncture pèsent sur la demande, mais nous sommes confiants dans la bonne résistance de nos activités de banque de détail en Europe au second semestre.
Comme vous le savez, notre modèle économique privilégie la relation client et une interaction forte entre l’activité de banque de détail et les autres métiers du groupe, ce qui favorise fortement les synergies commerciales. Je pense que c’est une de nos forces principales et un avantage concurrentiel majeur dans le contexte actuel.
Les synergies entre les réseaux eux-mêmes sont également très développées. Par exemple, notre démarche « One Bank for Corporates » a permis d’ouvrir dans le réseau international de BNP Paribas quelque 700 nouveaux comptes pour des clients de Domestic Markets.
Plus généralement, et en dépit de la crise actuelle de la zone euro, je tiens à réaffirmer ma confiance dans la zone euro. Je reste convaincu qu’une solution rapide des difficultés actuelles est dans l’intérêt de tous. Je ne peux donc que me féliciter de la récente déclaration de Mario Draghi confirmant que l’euro est irréversible.
EBM : Si l’on admet que la croissance organique de l’activité banque de détail va rester limitée en Europe, irez-vous chercher la croissance hors d’Europe, ou des acquisitions en Europe ? Laquelle de ces deux voies vous paraît la moins risquée ou la moins onéreuse pour vos actionnaires ?
Tout d’abord, tant que les nouvelles règles de solvabilité et de liquidité n’auront pas été finalisées, il ne serait pas très réaliste d’envisager une acquisition majeure. Ainsi, notre priorité actuelle est de continuer à développer notre présence dans des marchés et des métiers en croissance.
Comme vous le savez, notre implantation dans la zone Asie-Pacifique remonte à plus de 150 ans, avec une large base de clientèle dont nous poursuivons le développement. Le groupe génère déjà dans cette zone près de 13 % de ses revenus hors Banque de détail, et il entend encore améliorer ce chiffre. Grâce à notre présence dans la région, nous profitons ainsi à la forte croissance de l’Asie, que ce soit en accompagnant nos clients internationaux dans leurs activités en Asie, ou en apportant à nos clients asiatiques nos services dans leur démarche de développement en Occident.
La Turquie est un autre marché où nous avons largement investi. L’économie turque se développe rapidement, et TEB est désormais la 9e banque du pays, avec plus de 500 agences. La forte croissance des volumes s’est poursuivie au premier semestre 2012, avec une progression de 24% des prêts et de 40% des dépôts. Cette évolution se traduit par une progression sensible des revenus et une amélioration sensible de son efficacité opérationnelle, avec un coefficient d’exploitation passant de 83% à moins de 70% au premier semestre 2012.
Enfin, j’aimerais souligner deux autres domaines de croissance importants: l’Assurance et Securities Services.
En Assurance, nous disposons, avec BNP Paribas Cardif, d’un acteur majeur sur le marché mondial de l’assurance de personnes, qui continue à investir en Asie et en Amérique latine, tout en développant son offre pour les Domestic Markets et la Turquie. La performance en Assurance a été très bonne au premier semestre, avec une progression des revenus de plus de 6% à périmètre constant.
Le pôle Securities Services figure dans le top 5 mondial et c’est le numéro 1 de ce métier en Europe. C’est une activité rentable et en croissance, qui est pour le Groupe une source de synergies avec les clients institutionnels. Là aussi, la performance du métier est très encourageante, avec, au premier semestre, une hausse de 5% des revenus.
Ainsi, comme vous le voyez, BNP Paribas est déjà très présent dans les marchés en croissance et continue d’y investir.
EBM : Où en est le redressement de vos activités aux États-Unis ? Et quelles sont vos ambitions pour BancWest en termes de part de marché ?
Je tiens à rappeler d’abord que le groupe a atteint dès mars 2012 son objectif de réduction de ses besoins de financement en dollars de 65 milliards de dollars. Ainsi, nous nous sommes constitués un large excédent de financement stable en dollars qui s’élève aujourd’hui à 38 milliards de dollars.
Malgré la réalisation de ce plan et l’ajustement du bilan du groupe, avec par exemple la cession de l’activité de « Reserve-Based Lending » à Houston, BNP Paribas conserve une forte présence aux États-Unis dans les activités de Corporate & Investment Banking, avec des positions significatives dans plusieurs métiers, et des équipes de professionnels de haut niveau que je tiens à remercier aujourd’hui pour leur engagement.
Sur la côte Ouest, BancWest continue d’améliorer ses résultats grâce à l’accroissement de ses volumes et à la baisse du coût du risque, qui bénéficie d’un environnement économique plus favorable. BancWest poursuit le déploiement de son dispositif de banque privée, et bénéficie de ses investissements dans le secteur de la clientèle d’entreprises et des PME. Sa contribution au résultat du Groupe est significative et en progression régulière : le bénéfice avant impôts atteint 232 millions d’euros au 2e trimestre, en progression de 10% à change constant, et même davantage en euros compte tenu de la progression actuelle du dollar.
EBM : Quelle est la tendance en Gestion d’Actifs au 2e trimestre ? Où en êtes-vous de votre plan d’adaptation pour cette activité ?
Pour la Gestion d’Actifs, le 2e trimestre est resté difficile dans la mesure où la collecte positive enregistrée au premier trimestre s’est inversée. Malgré ce recul des actifs sous gestion par rapport à 2011, l’activité de Gestion d’actifs est restée profitable au T2 avec des revenus de 230 millions d’euros pour un bénéfice avant impôts de 64 millions.
Comme vous l’indiquiez très justement, nous mettons en œuvre pour ce métier un plan d’adaptation qui consiste à remodeler et à optimiser son organisation dans certaines régions ou entités. Nous optimisons aussi notre allocation de ressources vers les pays, les segments de clientèle et les stratégies d’investissement qui présentent le plus fort potentiel de croissance.
Ce plan porte déjà ses fruits en termes d’économies, comme le montre la baisse de 3,3% des coûts opérationnels par rapport à l’exercice précédent. L’amélioration devrait se poursuivre au fil des prochains trimestres.
EBM : Pouvez-vous nous en dire plus sur les activités du CIB au T2 ? Devons-nous considérer l’exercice 2012 comme une année de transition ?
Ce 2e trimestre a été marqué par un contexte de marché très difficile.
Les revenus des Marchés de Capitaux ont baissé sur fond de crise des marchés et de défiance vis-à-vis de la zone euro. Dans cet environnement difficile, nous avons géré cette activité avec prudence, comme le montre notamment le niveau peu élevé de notre VaR. Les activités taux et change ont eu de bonnes performances, mais Fixed Income a souffert du niveau limité d’émissions obligataires sur le marché primaire. Nous n’en restons pas moins numéro 1 pour les émissions obligataires en euro. Le métier Actions a, quant à lui, été pénalisée par des volumes faibles, dus à une demande réduite des clients.
Les revenus de l’activité Corporate banking ont diminué en ligne avec nos encours de crédits, conformément à notre plan de « deleveraging ». Toutefois, nous maintenons notre excellent positionnement en origination, puisqu’à fin juin, nous occupons la première place pour les crédits syndiqués en nombre d’opérations en Europe.
Nous avons par ailleurs réalisé plusieurs transactions significatives dans le cadre de notre approche « originate and distribute », grâce à la mise en commun réussie de nos compétences en Fixed Income et en financements spécialisés.
Enfin, notre plateforme Cash Management a gagné plusieurs mandats de grands clients entreprises en Europe et en Asie.
Ces succès, que je viens de mentionner, confirment que la transition de CIB vers un nouveau modèle se déroule bien, grâce à l’engagement sans faille de toutes ses équipes. Elles ont ainsi permis à CIB de générer un bénéfice avant impôt de 800 millions d’euros au 2e trimestre, en dépit de la difficulté de la conjoncture.
EBM : Le débat politique actuel en France sur la scission des activités spéculatives constitue-t-il une menace pour votre modèle de banque universelle ?
Tout d’abord, laissez moi vous rappeler la récente étude de Standard & Poor’s sur le secteur bancaire français. L’agence rappelle qu’il est particulièrement stable et que les banques françaises ont une capacité bénéficiaire récurrente avec un appétit pour le risque modéré. Concernant l’économie française, elle indique que celle-ci est riche, diversifiée et stable et que les portefeuilles de crédit sont en général de très bonne qualité.
En termes de réglementation, BNP Paribas accueille favorablement l’idée d’un nouveau cadre réglementaire de nature à stabiliser les règles de fonctionnement du secteur bancaire. Nous suivons ces débats avec attention, et nous sommes heureux d’avoir pu entamer un dialogue constructif avec les autorités compétentes.
Toutefois, je pense que nous devrons vraisemblablement attendre les conclusions du rapport Liikanen, prévue pour cet automne. Quant à la réglementation sur la séparation des activités spéculatives, je vous rappelle que le modèle économique de BNP Paribas privilégie la relation client. Dès lors, la part de nos activités qui pourrait être considérée comme spéculative est vraiment marginale.
EBM : Vous vous êtes engagés à atteindre l’objectif de ratio Tier One Basel III de 9% début 2013. Est-il envisageable que l’existence de contraintes plus rigoureuses sous Bâle III complique la réalisation de cet objectif ?
Nous avons virtuellement atteint notre objectif, avec six mois d’avance. Je vous rappelle qu’aujourd’hui, notre ratio Tier 1 atteint déjà 8,9% en Bâle 3 « fully loaded », ce qui fait de BNP Paribas une des grandes banques les mieux capitalisées au monde.
En tout état de cause, je crois que nous sommes suffisamment en avance pour vous assurer que l’objectif sera atteint à la fin de l’année.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.