EuroBusiness Media (EBM) : Eutelsat, le premier opérateur de satellite en Europe publie ses résultats pour le premier semestre 2010 – 2011. Michel de Rosen, bonjour. Vous êtes le Directeur Général d’Eutelsat. Quels sont vos commentaires sur les faits marquants de ce premier semestre ?
MR: Je vous le dirais simplement : nous sommes très fiers de nos résultats. Nous délivrons aujourd’hui, nous présentons aujourd’hui des performances formidables puisque nos revenus croissent de plus de 13 %, que notre EBITDA croît dans une proportion presque identique avec une marge d’EBITDA qui est de 80,4 %. Notre résultat net part du groupe, croît de 25 %. Tout ça, c’est quand même pas mal. Mais en plus, si on regarde l’avenir, ce que l’on appelle notre « backlog », c'est-à-dire le carnet de commandes, augmente lui-même de 16,7 % à 4,9 milliards d’euros, ce qui signifie que nous avons maintenant un carnet de commandes égal à 4,7 fois une année de chiffre d’affaires. En termes de visibilité, pour nous, évidemment pour nos actionnaires, c’est une performance remarquable. Et enfin, pour ceux qui sont attentifs à cette donnée fondamentale, notre bilan continue de s’améliorer puisque, à fin décembre 2010, notre ratio de dette sur EBITDA est passé à 2,75. Donc, tous nos indicateurs sont au vert, nous sommes très heureux des résultats que nous présentons aujourd’hui aux marchés financiers, à nos actionnaires.
EBM : Apparemment, l’indisponibilité de votre satellite W3B n’a aucun impact sur vos perspectives de croissance future. Comment avez-vous compensé cet événement regrettable ?
MR : En effet, la perte de W3B n’a pas impacté négativement les perspectives de croissance d’Eutelsat. Comment est-ce possible ? Les raisons sont les suivantes. La première raison est que ce satellite était, comme chacun de nos satellites, complètement assuré, et les assureurs nous ont déjà payé rubis sur l’ongle le prix de ce satellite et de son lanceur. La deuxième raison est que nous avons une flotte de satellites qui est concentrée là-bas dans l’espace à 36 000 kilomètres de la terre, 26 satellites, et nous avons l’habitude de régulièrement, en fonction des opportunités, des événements, de redéployer cette flotte. C’est ce que nous avons fait en l’occurrence, ce qui nous a permis de mettre, là où ce satellite était prévu d’arriver, d’autres satellites et de servir ainsi les clients qui l’attendaient. Et nous avons, troisième élément, un nouveau satellite en construction qui avait été prévu déjà depuis longtemps, qui s’appelle W3C et qui sera lancé dans le courant de l’année calendaire 2011, dans le deuxième semestre calendaire 2011, et qui va, du coup, servir à la position 16° Est les clients qui attendaient le précédent satellite. Donc, nous avons réagi rapidement, rigoureusement et en effet, nos perspectives de croissance forte dans les années qui viennent, du coup, n’ont pas été entachées.
EBM : Au premier semestre, vous avez lancé votre satellite de nouvelle génération KA SAT. Quand entre-t-il en service et quelle est son importance pour votre développement futur ?
MR : Alors, KA-SAT, c’est un formidable satellite. Ce n’est pas un satellite comme les autres. Nous aimons l’appeler un « smart satellite », un satellite intelligent. C’est, figurez-vous, le satellite le plus puissant du monde. Nous l’avons lancé le 26 décembre 2010 et depuis le 17 février 2011, il est là où il doit être, c'est-à-dire à 9° Est et nous venons d’achever de façon favorable, c'est-à-dire avec un complet succès, ce qu’on appelle les « tests in-orbit ». Dans les quelques mois qui viennent, entre maintenant et la fin du premier semestre calendaire de 2011, nous allons procéder à des tests complémentaires qui couvrent aussi bien le satellite que les stations terrestres avec lesquelles il va travailler de façon à pouvoir, à partir de la fin du premier semestre 2011, délivrer aux clients de KA-SAT les services attendus. De quoi s’agit-il ? Ce satellite n’est pas seulement puissant, il est aussi nouveau. Au lieu d’avoir en effet un seul faisceau comme la plupart des satellites, il a 82 faisceaux. Ceci permet d’utiliser jusqu’à 20 fois la bande de fréquence et du coup, cela augmente considérablement la puissance du satellite et cela permet, du coup aussi, de réduire considérablement le coût de production d’un mégabit de ce satellite par rapport aux autres. Grâce à cela, ce satellite va nous permettre d’offrir des services à des clients dans toute l’Europe, aussi bien des clients particuliers que des clients entreprises. Figurez-vous qu’il y a en Europe, on estime, environ 80 millions de foyers qui n’ont pas accès au haut débit, ou qui n’ont accès au haut débit que dans des conditions de qualité médiocre. Il y a donc un besoin potentiel, une demande potentielle considérable. C’est l’un des objets de ce satellite, c’est d’offrir en effet le haut débit à des foyers, à des centaines de milliers de foyers en Europe ou en Afrique du Nord. La puissance et la flexibilité de ce satellite lui permettront de fournir aussi d’autres services, notamment aux entreprises. Vous entendrez parler de KA-SAT qui, en offrant des services excellents à nos clients, va contribuer de façon significative à la croissance d’Eutelsat dans les années qui viennent.
EBM : Quelles sont les perspectives pour le second semestre ?
MR : Au second semestre, nous allons continuer de croître et nous allons continuer de délivrer parce que c’est qu’Eutelsat fait depuis sa mise en bourse en 2005. Nous avons toujours délivré et nous voulons continuer à le faire. Pratiquement, nous avons quelques priorités. Nous allons terminer la mise au point opérationnelle de notre satellite KA-SAT et des huit stations terrestres auxquelles il sera lié, de façon à pouvoir délivrer avec KA-SAT les services à partir du milieu de l’année 2011. Nous allons finir la construction de deux nouveaux satellites W3C et AB7 que nous avons prévu de lancer au cours du deuxième semestre de 2011 et nous allons évidemment continuer à faire le travail de tous les jours que font nos équipes techniques et que font nos équipes commerciales pour servir au mieux les besoins de nos clients. En faisant tout cela, nous avons l’ambition de délivrer les objectifs que nous avons résumés dans notre guidance de l’année, de délivrer ou mieux que délivrer. Je rappelle que nous avions annoncé que nous voulions faire au moins 1,120 milliards d’euros de chiffre d'affaires et au moins 875 millions d’euros d’EBITDA.
EBM : Et enfin pour conclure, quelles sont les opportunités de long terme pour Eutelsat ?
MR : Eutelsat a le privilège d’être au cœur de la révolution numérique. La révolution numérique, ça veut dire quoi ? Ça veut dire en fait deux révolutions. Vous avez la révolution de l’image qui fait que le nombre de chaînes de télévision en France, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, dans tous les continents, se développe et va continuer de se développer. Les gens veulent de plus en plus d’images, ils veulent de plus en plus de choix d’images. Puis, vous avez une deuxième révolution qui est la révolution de l’internet, de la connexion. Les gens veulent être de plus en plus connectés, envoyer de plus en plus de signes, de messages, en recevoir, être connectés. Eutelsat est donc au cœur de ces deux révolutions. Face à ces demandes qui sont donc croissantes, nous avons une offre qui croît aussi. Dans les années qui viennent, dans les deux années et demi et qui viennent, d’ici mi-2013, nous allons augmenter notre capacité d’environ 25 %. Nous serons donc en mesure de faire face à la croissance de la demande. Et grâce à cela, nous allons continuer à croître. Pratiquement, je vous confirme aujourd’hui la guidance que nous avons donnée pour les trois années 2011, 2012, 2013, à savoir : croître nos revenus et notre chiffre d'affaires d’au moins 7 % par an, maintenir la marge d’EBITDA à 77 % ou mieux et bien servir nos actionnaires avec un ratio payout, de paiement de dividendes par rapport au résultat net compris entre 50 % et 75 %. Depuis qu’Eutelsat est coté en bourse, fin 2005, Eutelsat a toujours délivré. Nous avons la ferme ambition de continuer à délivrer pour nos actionnaires de la croissance, de la profitabilité et de la « reliability », je cherche le mot français pour le dire, mais j’espère que tout le monde comprendra : nous voulons que nos actionnaires puissent compter sur nous.
EBM : Michel de Rosen, directeur général d’Eutelsat, je vous remercie.
MR : Merci beaucoup à vous.