EuroBusiness Media (EBM) : Poweo, premier opérateur indépendant de gaz et d'électricité en France, vient de procéder au premier feu de la centrale électrique de Pont-sur-Sambre dans le Nord de la France. Charles Beigbeder, bonjour. Vous êtes le Président-fondateur de Poweo. Pouvez-vous nous rappeler l’importance pour Poweo de cette première centrale ?
CB : La centrale de Pont-sur-Sambre représente vraiment la concrétisation de notre stratégie industrielle que nous avions initiée en 2005 et qui est soutenue depuis 2006 par notre actionnaire de référence, l’opérateur national autrichien Verbund. Il s’agit d’une centrale à gaz de 412 MW pour une production estimée entre 2 et 2,5 TWh par an, c’est-à-dire 400 000 foyers environ. Cela représente un investissement de 232 M€, déjà financé à 70% par une dette à long terme de type financement de projet et à 30% en fonds propres, dont 40% sont apportés par Verbund. 80% de la production sera achetée par EDF et par Verbund selon une formule de prix qui répercutera les variations du prix du gaz et du CO2.
La mise en service commerciale devrait intervenir à la fin de l’été, sachant que le retard pris par Siemens par rapport au calendrier initial fera l’objet d’une indemnisation financière.
C’est un actif de très grande qualité qui devrait générer un EBITDA estimé à 35 M€ en année pleine, et dont le coût de remplacement est aujourd’hui de l’ordre de 350 M€.
EBM : Vous avez déjà obtenu le permis de construire et l’autorisation d’exploiter pour un nouveau projet de centrale à Toul. Quels sont les prochaines étapes à venir de votre plan industriel ?
CB : La concrétisation du projet de Pont-sur-Sambre démontre notre capacité à développer de nouveaux projets d’actifs de production. Parmi les 3 800 MW de projets actuellement en cours de développement par les équipes de Poweo, 2 500 MW correspondent à des projets de centrale à gaz, type Pont-sur-Sambre, et 1 300 MW sont basés sur les énergies renouvelables. Pour les centrales à gaz donc on a 400 MW à Pont-sur-Sambre, 400 MW à Toul, 800 MW Blaringhem et deux autres projets de 800 MW. Notre métier d’industriel consiste en fait à développer en parallèle plusieurs projets qui pourront se substituer les uns aux autres en cas d’obstacle incontournable pour l’un d’entre eux, ce qui peut arriver, ou au contraire en cas de mise en œuvre plus rapide que prévue. Le déploiement de plusieurs centrales à gaz dans les prochaines années dépend donc de la qualité et de la densité de notre portefeuille de projets. Le projet de Toul est entré dans sa dernière ligne droite : nous devons finaliser la sélection du constructeur et nous travaillons en parallèle au montage du financement, et l’objectif est de démarrer le chantier avant la fin de l’année.
EBM : Le monde financier se retrouve plongé dans une crise sans précédent. Est-ce que cela a un impact sur le financement de vos projets industriels ?
CB : Ecoutez, nous n’avons pas observé pour le moment de difficultés particulières. Au plus fort de la crise, au quatrième trimestre 2008, nous avons bouclé le financement de trois projets en énergies renouvelables, de 15 à 20 M€ chacun. Bien sûr le projet de Toul est bien plus important, puisqu’il s’agit d’un financement de projet qui devrait dépasser les 250 M€ pour un investissement total de 350 M€. Nous restons convaincus que dans le contexte de ralentissement économique les banques vont se concentrer sur les projets les plus sûrs, et une centrale électrique qui représente un actif très attractif - puisque la production est habituellement revendue à des entités étatiques ou quasi-étatiques - ne devrait pas poser de problème. Pour Toul, nous avons mandaté Calyon pour nous assister dans le montage du financement, qui fera l’objet d’une syndication entre plusieurs établissements. Notre objectif est d’obtenir dans le cours de l’été des engagements fermes de la part des établissements sollicités.
EBM : La Commission Champsaur a été créée par le gouvernement afin d’améliorer les conditions concurrentielles du marché de l’électricité en France. Que pensez-vous des travaux de cette Commission ?
CB : Il y a une pression très forte de la Commission Européenne sur le gouvernement français et cette pression s’est accrue depuis la fin de la Présidence française de l’Union Européenne. Le gouvernement français doit remettre complètement à plat le système des tarifs réglementés. Le système actuel n’est en effet pas du tout compatible avec le Traité de Rome et génère évidemment d’importantes distorsions concurrentielles dont les nouveaux entrants sont victimes. De plus, il ne favorise pas du tout l’investissement dans de nouvelles capacités de production flexibles dont la France a besoin pour couvrir ses pics de consommation – on l’a vu cet hiver avec les vagues de froid. Enfin, il n’incite pas du tout certaines catégories de consommateurs à avoir un comportement efficient et responsable. Donc l’un des principaux axes de travail est la mise en œuvre d’un tarif d’accès à des capacités de base nucléaire pour les nouveaux entrants. C’est donc pour Poweo une réforme extrêmement importante, puisque le segment concurrentiel devrait représenter au moins 30% du marché français de l’électricité, soit une multiplication par 10 comparé à la situation actuelle. Donc il s’agira en fait d’une rupture comparable au big-bang de 2003 qui avait affecté le secteur des télécommunications lorsque France Télécom a enfin donné aux nouveaux entrants un accès complet à son réseau.
EBM : Et enfin vous avez confirmé lors de vos résultats 2008 que vous souhaitiez atteindre l’équilibre opérationnel en 2009. Sur quelles hypothèses repose cet objectif ?
CB : Alors nous nous sommes fixés 3 objectifs pour 2009. Tout d’abord, une base de clients supérieure à 500 000 sites actifs - contre plus de 300 000 en début d’année - ce qui implique un doublement des sites résidentiels. Le deuxième objectif est une croissance du chiffre d’affaires comprise entre 10 et 20% avant contribution de l’Energy Management. Alors, ceci représente une inflexion dans notre croissance qui est liée à une évolution du mix de nos ventes au profit des marchés de masse et au détriment des grands comptes, dans l’attente d’une amélioration des conditions concurrentielles sur ce segment, qui pourrait arriver assez rapidement. Le chiffre d’affaires électricité sur les particuliers devrait quand même être multiplié par 5, soit une croissance de 400%, une croissance très forte sur notre cœur de cible. Enfin, troisième objectif, notre objectif d’équilibre au niveau de l’EBIT, repose sur la mise en service de Pont-sur-Sambre selon le calendrier prévu et le bon déroulement de notre plan de réduction des coûts de structure. Il faudra également que les prix de marché de l’électricité retrouvent leur niveau de fin 2008, date à laquelle nous avions défini nos objectifs, car nos résultats intègrent depuis 2008 une partie de la valeur de marché de notre approvisionnement nucléaire provenant du swap de capacité avec EDF. Mais surtout l’évènement clé pour Poweo en 2009 sera la mise en service de Pont-sur-Sambre, qui sera la première centrale à cycle combiné au gaz naturel opérationnelle en France.
EBM : Charles Beigbeder, Président-fondateur de Poweo, je vous remercie.
CB : Merci beaucoup.