EuroBusiness Media (EBM) : Accor, leader européen et groupe mondial dans le secteur de l'hôtellerie, du tourisme et des services aux entreprises, vient de publier ses résultats pour l'année 2004. Jean-Marc Espalioux, bonjour. Vous êtes le Président du Directoire du groupe Accor. Quel bilan dressez-vous de l'année 2004 au moment où vous publiez ces résultats ?
Jean-Marc Espalioux (JME) : Si vous me permettez, l'année 2004 restera pour nous l'année de cette affreuse tragédie qui a touché l'Asie du sud-est. En disant ces mots, toutes nos pensées vont vers les victimes, leur famille, et nous tenons à leur rendre le plus grand hommage. En ce qui concerne la marche des affaires que je dois aborder en tant que Président du Directoire, je dirais que nous avons eu un redressement significatif de nos résultats : +13% pour le résultat courant, ce qui est l'indicateur le plus fiable. Nous en sommes d'autant plus heureux que ça vient après deux années de recul, qui suivaient de nombreuses années de progression rapide. Ca confirme une reprise, ça confirme un nouvel élan.
EBM : Sur l'année 2004 il y a eu des évènements significatifs pour le groupe. Pourriez-vous nous rappeler en quelques mots les évènements majeurs de l'année ?
JME : Nous avons poursuivi notre programme de compression des coûts de structure et de coûts de fonctionnement. D'ailleurs ce programme nous a permis d'être dans le haut de la fourchette des prévisions que nous avions annoncé. Nous avions annoncé 570 - 590 millions d'euros, nous avons atteint 592 millions d'euros. C'est en partie dû à l'efficacité de ce programme. Le développement s'est poursuivi : 188 nouveaux hotels, soit un tous les deux jours. Ca n'est pas rien. Des acquisitions dans le domaine des Services, et des participations stratégiques avec 29% dans le Club Mediterranée, la constitution de groupe Barrière avec un pacte d'actionnaire, et le renforcement de notre pôle d'agences de voyages qui s'est d'ailleurs très bien passé.
EBM : Accor a commencé l'année 2005 avec deux annonces majeures : ColonyCapital va investir € 1 milliard dans Accor, et vous dévoilez une nouvelle politique de gestion immobilière. Commençons par ColonyCapital : quel est l'intérêt stratégique de cette opération pour Accor ?
JME : C'est une chance tout à fait exceptionnelle pour Accor, et d'une grande originalité. C'est un investisseur international d'origine américaine, spécialisé dans l'hôtellerie et l'immobilier, qui considère que nous sommes sous-évalué, que nous pouvons avec des moyens financiers accrûs accélérer notre expansion, augmenter nos résultats, renforcer notre bilan, et donc être un catalyseur de la valorisation du cours de Accor dans les trois à cinq années qui viennent. Pour nous ce sont des moyens supplémentaires, une preuve de confiance et un nouvel élan.
EBM : Quels sont les points clés de votre nouvelle politique de gestion immobilière que vous venez de dévoiler, et quel en sera surtout le bénéfice pour Accor.
JME : Là aussi, c'est un tournant. Dans le haut de gamme, le luxe, la notoriété de Sofitel nous permet d'obtenir de plus en plus de contrats de management, donc de réduire l'intensité capitalistique. Dans le milieu de gamme - Novotel, Mercure, Ibis - là nous faisons une première mondiale avec des loyers variables sans minimum garanti. Ca nous permet en cas de diminution d'activité d'avoir un effet amortisseur que nous n'avons pas connu ces dernières années. Dans l'hôtellerie économique, nous restons avec des loyers fixes et la franchise, parce que ce sont des revenus plus réguliers. Donc là nous avons une politique très équilibrée, et je dois dire que je suis très satisfait de cette innovation des loyers variables sans minimum garanti.
EBM : Plus généralement, vous venez de dévoiler une nouvelle stratégie de développement, dont le but est d'accélérer considérablement votre croissance dans les années à venir. Quels en sont les points clé ?
JME : Les points forts sont : l'hôtellerie économique dans les pays européens où elle est faible ou inexistante -- c'est-à-dire l'Europe centrale et jusqu'à la Russie, et l'Espagne - les pays émergents (Inde, Chine, Russie, Moyen-Orient, Amérique latine) où nous allons pouvoir « mettre le paquet », compte tenu de notre expérience, et puis les Services, où autour des tickets restaurants nous avons une offre autour de la motivation, le bien-être des collaborateurs, la formation, tout ce qui tourne au fond à l'aide à la gestion des ressources humaines. En France notamment, le plan Borloo, qui met l'accent sur les services à la personne, constitue une opportunité très importante pour nous.
EBM : En tant que dirigeant d'un grand groupe international, quels sont les principaux défis auxquels vous serez confronté dans les années à venir, et comment estimez-vous vos chances de succès ?
JME : Aujourd'hui, je vous l'ai dit, nous sommes à un tournant. Il y a une reprise, des résultats qui se redressent, des investisseurs internationaux qui nous font confiance, nous avons un plan de développement, des marques reconnues, un professionalisme très grand. Nous sommes parmi les plus grands acteurs du monde du voyage et du tourisme, nous avons une politique immobilière innovante. Donc je ne vois pas de faiblesses majeures, je vois au contraire beaucoup de raisons de réussir. Nous avons beaucoup d'opportunités de développement, je vous les ai dites, et nous allons je crois vers des années de croissance et de profitabilité, ce que ColonyCapital a compris !
EBM : Quelles sont les perspectives du groupe en 2005 ?
JME : C'est trop tôt pour le dire, vous le savez. Nous ne faisons des prévisions qu'un peu plus tard dans l'année. Nous avons une activité un peu saisonnière, les mois de janvier et février ne sont pas follement significatifs !, ce sont plutôt les mois de juin, septembre, octobre. Mais l'année ne commence pas mal. L'année ne commence pas mal, et notamment tous nos prix, dans tous nos segments d'activité, partout dans le monde, sont en hausse, ce qui veut dire que nous tenons notre marché, et c'est très encourageant.
EBM : Pour conclure, vous avez annoncé un nouveau projet d'entreprise, qui vient en complément de la nouvelle dynamique du groupe. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
JME : Oui, c'est un projet d'entreprise que nous avons lancé en février. Notre précédent projet d'entreprise avait été un grand succès. Il s'appelait Accor 2000. Il avait permis de moderniser le groupe, de revoir notre organisation, de créer des services partagés. Maintenant tout cela est derrière nous. Nous avons maintenant un projet qui vise à mobiliser nos collaborateurs. Le timing est parfait parce qu'avec cette reprise, ces investisseurs, ces moyens financiers, l'intérêt que suscite Accor, cela va entraîner une très grande motivation chez nos collaborateurs, sur le thème du client (vous le savez il est « zappeur », il a changé, il aime les packages, il aime dépenser quand c'est très important et ne veut pas dépenser du tout quand ça n'est pas important). Nous sommes un très grand groupe, mais il faut un management d'hyper-proximité. Il faut des directeurs d'hôtels qui soient des patrons à l'heure où la technologie est envahissante. Donc il faut qu'on y réfléchisse, il faut aussi que nos actionnaires partagent notre vision et qu'on sache leur parler. De ce point de vue-là, l'arrivée de ColonyCapital nous permettra d'avoir un dialogue plus nourri avec les investisseurs américains ou anglais. C'est autour de ça que tourne ce projet, et je peux vous dire que dans le message que j'ai envoyé aux collaborateurs ce matin, en même temps que les résultats, par e-mail à tous, j'ai bien fait le lien entre nos résultats, nos moyens financiers, l'accélération du développement et notre projet d'entreprise.
EBM: Jean-Marc Espalioux, Président du Directoire du Groupe Accor, je vous remercie.
JME: Merci.