EuroBusinessMedia (EBM) : Obtenir une exposition indicielle pure peut se faire de plusieurs manières. Pour comparer les différentes stratégies d’indexation, nous sommes avec Benoit Sorel. Bonjour, vous êtes Directeur chez iShares à Paris. Alors quelle est le meilleur instrument pour y parvenir? Sont-ce les futures, qui offrent une solution liquide, sans frais de gestion et efficiente en capital ? Ou alors les ETFs, qui trackent leurs benchmarks avec une grande efficacité ?
Benoit Sorel : C’est l’éternelle question, est comme souvent dans ces cas là la réponse est « ça dépend » ! Pour regarder une qualité de réplication, il faut regarder deux éléments : les coûts d’exécution et la qualité de la gestion pour répliquer l’indice. Les futures sont plus efficaces en termes de coûts d’exécution, mais souvent un petit peu moins précis en termes de qualité de réplication.
EBM : C’est à dire ?
Benoit Sorel C'est-à-dire que c’est lié au pricing même des instruments. Sur un ETF, vous avez la gestion indicielle, qu’on connaît, qui suit très bien les indices et on enlève le TER qui est connu à l’avance. Donc la qualité de réplication est très facile à approcher. Le prix d’un future dépend de quatre éléments : le taux implicite, les dividendes implicites, le taux de pré-emprunt et ensuite l’offre de marché - l’offre et la demande - qui déterminent le prix par rapport à ce fair price. En fait, qu’on on achète un future, on ne se positionne pas tout de suite sur le marché, mais plus tard, donc on abandonne les dividendes, on abandonne le pré-emprunt - donc c’est déduit du prix - et en revanche on garde le cash, donc on augmente du prix le taux implicite et ensuite le marché détermine un prix par rapport à ce prix théorique. Chacun de ces quatre éléments apporte de la volatilité dans la qualité de réplication.
EBM : Lequel de ces paramètres a le plus gros impact ?
Benoit Sorel : Le taux implicite a le plus gros impact et ensuite l’offre et la demande. Pourquoi le taux implicite ? Parce qu’en fait, quand un taux implicite est chargé sur un future, c’est le taux de refinancement moyen des acteurs de marché sur les futures. Et ce taux, il faut le répliquer sur sa poche de cash pour arriver à voir la performance globale de l’indice. Si vous souhaiter vous positionner typiquement sur un indice, on grossit le trait mais sur le Brésil, les taux en Reals sont autour de 10%, ce qui n’est pas très facile à répliquer sur votre poche de cash. Mais même sur du S&P il faut faire le taux de refinancement moyen en dollars, ce que peu d’acteurs font, et donc amène une divergence de performance. Sur l’offre et la demande, c’est vrai en particulier dans des marchés volatils, on l’a vu en 2001, 2002, on le revoit depuis 2008, et qui plus est, le marché des futures a un biais haussier de par la réplication indicielle et le roll systématique de futures, et en fait à chaque période de roll, on se rend compte que souvent il y a une prime sur les futures qui vient elle amener de la sous-performance. Sur les dividendes, plus on est dans des périodes volatiles, plus cela apporte aussi de fluctuations, mais cela a un impact moindre.
EBM : Quel est l’ordre de grandeur de cette différence sur une réplication via des futures ?
Benoit Sorel On a fait une étude sur le S&P 500 sur lequel on a beaucoup de données : entre 2000 et 2011, on aurait eu une sous-performance de l’ordre de 5.8% via des futures contre 71 points de base sur un ETF.
EBM : Oui, mais vous prenez une période de 11 ans, et nous n’avons pas encore abordé le 2ème point sur la qualité de réplication, à savoir les coûts d’exécution, qui doivent eux pénaliser l’ETF sur des périodes plus courtes ?
Benoit Sorel : C’est exactement ça. C'est-à-dire que sur un ETF on a un bid offer, donc un spread à l’achat ou à la vente, qui vient pénaliser la performance et plus elle est courte, plus son importance relative est importante. Sur les ETF, qui sont en général suivis par des futures qui sont les plus liquides, ces spreads sont de l’ordre de quelques points de base, donc ce n’est pas très grave. Sur des ETF, sur des indices moins vanilles, on a des spreads qui peuvent aller jusqu’à presque 1%, mais on n’est pas en général sur des indices qui sont suivis par des futures. Si on veut résumer, en fait, le future est probablement la meilleure stratégie sur des périodes très courtes, mais à partir de six moins/un an, l’ETF est souvent plus efficace.
EBM : Benoit Sorel, Directeur chez iShares à Paris, merci beaucoup.
Benoit Sorel : Merci à vous.