EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Arcelor, un des leaders mondiaux de l'acier, vient de publier ses résultats pour le troisième trimestre. Guy Dollé, bonjour. Vous êtes le Président du groupe Arcelor. Quels sont vos commentaires sur la performance du groupe au troisième trimestre ?
Guy Dollé (GD) : Pour un troisième trimestre ces résultats sont excellents. Ils sont particulièrement excellents dans notre activité produits longs et distribution. Ils sont essentiellement dûs pour le reste - pour nos produits plats - à nos progrès de gestion et aux effets volume. Je pense qu'il faut souligner que pour les produits plats, sur les neuf premiers mois, les résultats sont tout juste équivalents à ceux de l'année précédente, en partie parce qu'ils sont pénalisés par l'augmentation importante du prix des matières qui a compensé complètement l'effet prix de vente.
EBM : Quelles sont vos perspectives sur l'évolution des prix en 2005 et au-delà ?
GD : Il faut séparer les prix spots des prix contrats. Sur les prix spots d'après moi, nous serons capables sur le premier semestre de l'année prochaine de transférer à nos clients l'effet exogène des matières premières - que ce soient les ferrailles sur les produits longs, ou que ce soient les minerais ou le charbon sur les produits plats. Pour les contrats, et c'est un challenge important pour nous, nous avons annoncé que nous augmenterions nos prix entre 20% et 50% suivant les produits.
EBM : Comment se passe aujourd'hui la négociation des contrats annuels et pluri-annuels ? Peut-on s'attendre à des hausses de prix supérieures à 20% ?
GD : Nous avons deux types de contrats à long terme : nous avons des contrats pluri-annuels - ceux-là ne sont pas en général à renégocier, donc nous allons subir l'effet négatif pour nous de la stabilité ou du blocage des prix. Pour les autres - automobile, emballage et électro-ménager - nous avons démarré des négociations : elles sont déjà achevées à près de 90% pour l'automobile et à près des deux-tiers pour l'emballage, et nous avons obtenu des hausses de prix entre 20% et 50% suivant la valeur ajoutée des produits.
EBM : Le prix des matières premières va-t-il continuer à progresser ? Doit-on craindre une pression sur vos marges ? En particulier, y a-t-il un risque que la hausse des prix de vente ne suffise pas à compenser la hausse du prix des matières premières ?
GD : Hélas, le prix des matières premières va beaucoup augmenter l'année prochaine, en dollar et donc en euros (puisqu'on suppose que l'euro sera relativement stable, en tout cas on le souhaite), en particulier sur le minerai de fer et surtout le charbon à coke. Je n'ai pas d'inquietude particulière sur la capacité à transférer ces hausses au client pour l'année 2005. J'ai peut-être un peu plus de préoccupations si cela devait se poursuivre au-delà de l'année 2006.
EBM : Les investisseurs craignent deux risques potentiels l'année prochaine : un ralentissement de l'économie chinoise et une baisse des prix. Quels sont vos commentaires et perspectives sur ces deux risques ?
GD : Je trouve que ce serait une bonne nouvelle si l'économie chinoise, et sa conséquence sur la sidérurgie, ralentissait. Ca n'est pas soutenable pour la sidérurgie que la consommation continue à grimper à un rythme de 20% par an. Ca va ralentir, mais contrairement à ce que certains ont dit, ça ne veut pas dire que la Chine va devenir exportatrice nette. C'est peu probable avant quatre ou cinq ans. Sur les prix de vente, je pense qu'ils seront relativement stables en marge sur matières pendant la première partie de l'année. Ils pourraient être un petit peu plus sous pression pendant la seconde partie de l'année, mais cela n'empêchera pas l'année 2005 d'être en moyenne - pour tous les sidérurgistes d'ailleurs - une année superbe.
EBM : Pouvez-vous nous donner des précisions sur le Brésil ? En particulier, confirmez-vous que CST sera consolidé dès le quatrième trimestre de cette année, et que vous allez augmenter votre participation dans Acesita l'année prochaine ?
GD : Je peux effectivement confirmer que CST sera complètement consolidé dans nos comptes à partir du 1er octobre 2004. Pour Acesita, les discussions avec les fonds de pension, qui sont nos partenaires dans Acesita, ne démarreront que l'année prochaine. Ca prendra un peu de temps et nous avons à examiner les deux possibilités : soit un paiement en cash de leurs actions, soit un échange avec les actions de la future holding qui contrôlera l'ensemble de nos activités brésiliennes.
EBM : Quelles sont les perspectives de fermeture de sites en Europe ? Pouvez-vous nous donner un bilan d'étape de la réduction des coûts ? Etes-vous en ligne avec les objectifs ? Y a-t-ildes chances que vous surpassiez vos objectifs ?
GD : Il n'y a pas de changement, même si aujourd'hui la situation est favorable dans notre programme de fermeture de sites, que ce soit pour l'inox ou pour les aciers au carbone. Si on regarde les diminutions de coûts, nous sommes en phase avec nos objectifs. Pour les synergies nous sommes même encore en avance, puisque dès la fin de ce troisième trimestre nous aurons dégagé un rythme annuel de 510 millions d'euros de synergies, alors que nous avions annoncé 500 millions pour la fin de cette année. Donc je confirme l'objectif d'au moins 700 millions d'euros à la fin de l'année 2006, sachant que nous aurons un peu plus de réserves avec les restructurations ultérieures à mener en 2009 et en 2010.
EBM : Pouvez-vous nous donner quelques détails sur votre expansion internationale ? Quels types de sociétés vous intéressent, et comment choisissez-vous vos pays cibles ?
GD : Notre cible principale c'est BRIC : Brésil, Russie, Inde et Chine, auquel j'ai ajouté la Turquie. Le Brésil, c'est fait. Et pour le reste on est intéressés avant tout par les pays où il y a un potentiel de développement de la croissance, c'est-à-dire les pays en développement et ceux pour lequel l'accession à des matières premières est facilité, permettant d'avoir des coûts performants. Voilà résumées ce que sont nos priorités ; le Brésil c'est fait, et la Turquie à court terme.
EBM : Guy Dollé, Président du groupe Arcelor, merci beaucoup.