EuroBusiness Media (EBM) : Jean-Laurent Bonnafé, bonjour et bienvenue.
Jean-Laurent Bonnafé : Bonjour.
EBM : Pouvez-vous commenter les résultats de BNP Paribas pour le T1 2012 ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au 1er trimestre, BNP Paribas confirme sa forte capacité bénéficiaire, tout en réalisant, plus vite que prévu, son programme de réduction du bilan. Sur nos marchés domestiques, l’activité reste bonne malgré une demande qui ralentit. Nos dépôts progressent de 3,6% et les prêts, de presque 3%. Dans CIB, Conseil et Marché des Capitaux rebondit significativement par rapport au 4e trimestre 2011 et son activité se situe seulement 4% en dessous de l’excellent niveau du premier trimestre 2011. Au total, la bonne résistance de nos revenus, à presque 9,9 milliards d’euros, se combine à une bonne maîtrise des coûts, à 6,8 milliards d’euros. Le coût du risque reste relativement stable par rapport au T1 2011 à 55 points de base en pourcentage des crédits à la clientèle. Le résultat du premier trimestre présente deux éléments exceptionnels : l’un, positif, la plus-value de 1,8 milliard d’euros sur la vente de 28,7 % de Klepierre; l’autre, négatif, relatif à la réévaluation de la dette propre, à hauteur d’un peu plus de 840 millions d’euros. BNP Paribas clôture donc le trimestre avec un bénéfice net proche de 2,9 milliards d’euros, bénéfice qui devient 2 milliards d’euros hors éléments exceptionnels. Une fois de plus, BNP Paribas a créé de la valeur, comme le confirment l’augmentation de l’actif net par action à plus de 60 euros et celle de l’actif net tangible par action, à 49 euros.
EBM : Comment évolue le coût du risque au premier trimestre dans les divers pôles d’activités ? Quelle évolution prévoyez-vous pour les prochains trimestres ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au 1er trimestre 2012, le coût du risque est resté pratiquement stable, à un niveau relativement faible, comparable, en excluant la Grèce, à la moyenne trimestrielle de 2011. Dans ses réseaux domestiques, le niveau du coût du risque est resté modéré, tant en France qu’en Belgique, alors qu’en Italie l’environnement de récession conduit à une hausse limitée. L’amélioration de la conjoncture américaine a continué à bénéficier à BancWest, tandis que le pôle Personal Finance confirmait la tendance positive des derniers trimestres. Le coût du risque de CIB est resté faible. La dégradation de la conjoncture dans la zone euro pourrait peser sur le coût du risque notamment en Italie, mais d’autres entités devraient comme BancWest et Personal Finance continuer à s’améliorer par rapport à l’an dernier. Ainsi, sauf nouvelle dégradation sensible de la conjoncture générale, nous prévoyons plutôt pour l’exercice, une stabilité du coût du risque, ou une légère augmentation.
EBM : Avez-vous exploité le redressement des spreads sur obligations souveraines en début d’année pour réduire encore votre exposition souveraine ?
Jean-Laurent Bonnafé : Rappelons à nouveau que, la gestion de notre portefeuille obligataire souverain a pour objectif de minimiser la volatilité des ratios de solvabilité dans le cadre du nouveau contexte réglementaire et qu’elle est conduite de manière opportuniste.ss
Nous avons donc saisi plusieurs occasions de réduire notre exposition, principalement en zone euro. Fin avril, notre portefeuille souverain s’élève donc à 66 milliards d’euros. En ne considérant que la part du Groupe, c’est à dire le risque économique réel couru par les actionnaires, l’encours souverain s’élève à 58 milliards d’euros, dont 42 milliards d’euros sur les pays de la zone euro. Notre exposition sur les pays bénéficiaires d’aides, à savoir la Grèce, le Portugal et l’Irlande, a été réduite à environ 1 milliard d’euros.
EBM : Quelle a été l’évolution des dépôts au T1, et quelles sont les perspectives pour l’année compte tenu du ralentissement de la croissance ?
Jean-Laurent Bonnafé : La collecte de dépôts de Domestic Markets a été assez soutenue avec une croissance dans chacun de nos réseaux domestiques. En France, les dépôts progressent de 3,5 %, avec une croissance des comptes à vue et des comptes d’épargne. La situation est la même en Belgique, où la progression de 3,3 % est essentiellement le fait des comptes courants de particuliers et des dépôts à terme d’entreprises. En Italie, les efforts pour développer la collecte locale ont permis d’accroître les dépôts de 1,6 %, notamment par une augmentation très sensible des dépôts des entreprises et des collectivités territoriales. Le ralentissement économique pèse bien évidemment sur les volumes, mais on peut penser que notre collecte de dépôts devrait, cette année, se poursuivre à un rythme raisonnable, en particulier sur nos marchés domestiques.
EBM : Sur vos marchés domestiques, la croissance des volumes de prêts semble ralentir, peut mettre une certaine pression sur vos revenus sous pression. Comment gérez-vous la situation pour préserver votre rentabilité ?
Jean-Laurent Bonnafé : Compte tenu d’une demande plus faible des clients, la progression des crédits ralentit en effet par rapport aux trimestres précédents. En Italie, l’environnement économique affecte la demande des ménages, alors que les entrepreneurs, les entreprises et les collectivités locales affichent un bon niveau d’activité. En France et en Belgique, ce ralentissement est moins prononcé, grâce à un environnement économique plus favorable. Au 1er trimestre, grâce aux efforts commerciaux de l’ensemble des réseaux, les revenus du pôle Domestic Markets ont malgré tout progressé de 0,8 % à périmètre constant. La bonne maîtrise des coûts sur chacun de ses quatre marchés a en outre permis de dégager un effet de ciseau positif de 1,5 point de base, et d’améliorer le coefficient d’exploitation. Les succès combinés avec sa forte capacité d’innovation « produits », doivent permettre au pôle Domestic markets de rester l’un des grands contributeurs à la rentabilité future du Groupe.
EBM : On entend que les banques européennes n’octroient pas de prêts hypothécaires à plus de 15 ans. S’agit-il d’une conséquence des nouvelles règles structurelles de liquidité à long terme qui obligent les banques à faire coïncider la durée de leurs actifs et de leurs passifs ? Devons-nous craindre à l’avenir une croissance plus lente des volumes hypothécaires chez BNP Paribas ?
Jean-Laurent Bonnafé : Chez BNP Paribas, les crédits immobiliers font partie intégrante de notre approche commerciale ; ils s’inscrivent au cœur de la relation avec nos clients. La banque s’est toujours montrée prudente dans ses critères de durée, d’apport personnel et de capacité de remboursement ; et elle entend bien continuer à financer ses clients. la conjoncture économique actuelle pourrait bien avoir un impact sur la demande de crédit immobilier, mais BNP Paribas reste déterminé à financer ses clients pour les accompagner dans leur projets de logement.
EBM : Quels ont été les faits marquants du T1 pour le pôle Investment Solutions, et comment évolue la collecte de fonds ? Où en êtes-vous de vos plans d’adaptation de ce pôle au nouvel environnement en termes de rationalisation de vos organisations ?
Jean-Laurent Bonnafé : Investment Solutions réalise une bonne performance après une fin 2011 difficile. Le rebond boursier, couplé à une collecte nette positive, entraîne une progression de 4,6 % des actifs sous gestion au 1er trimestre. Cette collecte nette positive concerne d’ailleurs tous nos métiers. En gestion d’actifs, elle provient essentiellement de la collecte sur les fonds monétaires auprès d’institutionnels. La Banque Privée a enregistré un bon niveau de collecte dans les réseaux domestiques ainsi qu’en Asie. Bonne évolution également en Assurance, grâce à des flux de collecte positifs en France, au Luxembourg et en Asie. Enfin, notons la très bonne évolution de l’activité du Métier Titres. Nous adaptons nos activités, notamment en gestion d’actifs, où nos plans se déroulent comme prévu. Nous observons déjà des résultats positifs dans ce métier, où les frais de gestion reculent de 8,9 % par rapport au T1 2011. Simultanément, nous adaptons et nous restructurons nos coûts dans toutes les autres activités tout en poursuivant nos investissements, particulièrement en Asie.
EBM : Pour le pôle CIB, votre programme de désendettement a-t-il eu un impact sur vos parts de marché ? Ou avez-vous au contraire su les préserver, voire en développer certaines ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au 1er trimestre, nous n’avons perdu aucune part de marché dans nos cœurs de métier. Le pôle CIB a enregistré une bonne performance au cours du trimestre, malgré l’impact du plan d’adaptation. Conseil et Marchés de capitaux, a connu un rebond significatif de ses revenus après le creux du deuxième semestre 2011, pour se situer juste en dessous du premier semestre 2011. Dans Fixed Income en particulier nous avons eu une activité obligataire primaire soutenue, et enregistré une bonne performance pour les opérations de taux et de change. Notre position de N°1 des émissions obligataires en euros est confirmée, et nous faisons notre entrée dans le top 10 des émissions « All International Bonds ». Les revenus de Corporate Banking reculent du fait de la réduction importante de notre activité de prêt, conformément à notre plan d’adaptation. Néanmoins, nous avons préservé nos positions sur nos marchés cibles, grâce à la profondeur et à la qualité de la relation avec nos clients. A titre d’exemple, nous sommes classés premier par le nombre de financements syndiqués en Europe, et troisième en volume. Simultanément, nous lançons un plan ambitieux pour augmenter nos dépôts. Ce plan va s’appuyer notamment sur le développement de notre plateforme de cash-management, activité où nous sommes déjà le 5ème mondial, en combinant d’avantage l’offre de CIB et de Retail Banking. Pour finir, je tiens tout particulièrement à remercier les collaborateurs de CIB, qui se sont une fois de plus fortement mobilisés pour adapter leurs métiers et réaliser cette excellente performance.
EBM : Vous vous êtes fixé pour objectif, d’atteindre d’ici le 1er janvier 2013 un ratio de solvabilité Core Tier One à 9 % « full Bâle III ». Où en êtes-vous ? De nouvelles cessions de type Klepierre seront-elles nécessaires pour atteindre cet objectif à temps ?
Jean-Laurent Bonnafé : Je vous confirme notre engagement total pour la réalisation de cet objectif, et nous avançons d’ailleurs plus vite que prévu. Fin mars, notre ratio de solvabilité common equity Tier 1 en Bâle 2.5 était de 10,4 %, soit une augmentation de 80 points de base en un trimestre. Ainsi, notre ratio hors filtre prudentiel des dettes souveraines, conforme aux règles de l’Autorité Bancaire Européenne, est à 10% et nettement supérieur au niveau requis de 9 % à fin juin. Nous avons déjà réalisé 80 % de notre plan de réduction du bilan, et disposons de trois trimestres pour réaliser les 20 % restants, ce qui nous donne le temps et la flexibilité requises pour optimiser sa réalisation. Le texte définitif de la directive européenne CRD4 est toujours en attente, mais nous avons encore 9 mois de génération organique de résultat permettant de compléter le solde nécessaire. Nous sommes donc très bien placés pour réaliser notre objectif, qui nous positionnera parmi les groupes bancaires les mieux capitalisés au monde.
EBM : Vous venez d’être nommé Directeur général de BNP Paribas. Quelles seront les objectifs principaux de votre stratégie : comptez-vous renforcer les activités Retail et CIB, ou réduire d’avantage la taille du bilan?
Jean-Laurent Bonnafé : L’objectif principal de la stratégie de BNP Paribas est d’accompagner ses clients dans leurs projets. Compte tenue des nouvelles contraintes réglementaires et comme je l’ai mentionné précédemment, nous sommes actuellement totalement engagés dans notre plan d’adaptation, qui est déjà très largement réalisé. Notre solvabilité est renforcée, le bilan est en cours de réduction et la réalisation de notre objectif d’atteindre un ratio de solvabilité core Tier 1 « full Bâle III » de 9 % dès le 1er janvier 2013 est en très bonne voie. Nous serons alors l’une des banques européennes les mieux positionnées pour développer nos activités et exploiter les opportunités futures.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur général de BNP Paribas, merci beaucoup.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.