EuroBusinessMedia (EBM) : Sanofi, un leader mondial et diversifié de la santé, publie aujourd’hui ses résultats pour le deuxième trimestre 2011. Chris Viehbacher, bonjour. Vous êtes Directeur Général de sanofi. Quel sont vos commentaires sur les résultats du groupe pour le deuxième trimestre ?
Chris Viehbacher (CV) : Ce deuxième trimestre a été particulièrement riche. Tout d’abord, c’est la première fois que nous consolidons Genzyme. Ensuite, la tendance des derniers trimestres se poursuit : nos anciens moteurs de croissance subissent la concurrence des génériques et déclinent. Parallèlement, notre stratégie de développement de « plateformes de croissance » s’avère un franc succès. En bref, le chiffre d'affaires avoisine les 8,4 milliards d’euros. Cela représente une croissance de 6,9% si j’inclus Genzyme, et un recul de 4%, dû aux génériques, sans Genzyme. Si vous considérez la très bonne tenue des plateformes de croissance et l’intégration réussie de Genzyme, le groupe a su maintenir son excellent niveau de performance sous-jacente au deuxième trimestre.
EBM : Qu’en est-il de la performance des plateformes de croissance au premier semestre ?
CV : Ces plateformes de croissance sont au cœur de la réponse stratégique du groupe aux expirations brevetaires. Elles n’ont pas vocation à uniquement remplacer des ventes que nous étions sur le point de perdre, mais bien à ancrer de nouvelles activités dans la durée. Et dans l’ensemble, ces plateformes de croissance ont dégagé une excellente performance au premier semestre (+12,3%). Prises individuellement elles sont toutes caractérisées par une dynamique propre et d’excellentes performances. C’est le cas du Diabète, où nous revenons en force, avec d’importants investissements et le retour d’une croissance à deux chiffres. C’est le cas des Marchés émergents, où Sanofi occupe, et de loin, la première place du secteur, avec une forte croissance de 10,5%. En Santé Grand Public, le lancement d’Allegra® cette année a été un grand succès. La Santé Grand Public est un de nos principaux marchés aux États-Unis bien sûr, mais aussi dans les marchés émergents, où la croissance a atteint plus de 28% au premier semestre. La Santé animale est une activité extrêmement solide, qui s’appuie sur les grandes tendances mondiales : vieillissement de la population, marchés émergents, besoin d’approvisionnement alimentaire de qualité, et nous permet d’atteindre une progression de 6,7%. Dans le domaine de la santé, les vaccins représentent un investissement majeur. Nous vaccinons plus d’un demi-milliard d’êtres humains chaque année - un chiffre en progression de 6%. Et l’innovation reste notre cœur de métier : le chiffre d'affaires additionnel réalisé grâce à des produits innovants atteint 227 millions d’euros. Bref : toutes nos plateformes de croissance évoluent bien. Cela me réjouit, et cela augure bien du développement et du succès futurs de Sanofi.
EBM : Qu’en est-il de vos progrès et de votre dynamique de croissance dans les Marchés Emergents, l’une de vos plateformes de croissance ?
CV : S’il y a un domaine où nous devançons de loin le reste de notre secteur, c’est bien sur les Marchés Emergents. Nous produisons localement, bénéficions d’une gamme de produits très étoffée, sommes présents sur place depuis des décennies ; cela nous procure d’énormes avantages en termes de capacité de gestion et de compréhension des spécificités de ces marchés. Des marchés d’ailleurs énormes : 2,5 milliards d’euros de chiffre d'affaires rien qu’au deuxième trimestre de cette année - en très forte croissance. Et puis, les marchés émergents ne se résument pas à un seul pays. La Chine, l’Inde, le Brésil connaissent des dynamiques extrêmement différentes, et nous y enregistrons pourtant une très forte croissance et un excellent équilibre entre nos différents métiers. Ainsi, notre secteur Diabète progresse en Europe et aux Etats-Unis mais aussi de près de 30% dans les marchés émergents. Nous enregistrons également une forte croissance dans le domaine Santé Grand Public, avec l’acquisition de deux sociétés en Chine. Depuis peu, nous observons un transfert de produits depuis d’autres marchés vers les marchés émergents, comme le Lactacyd® en Chine. Voici donc un point où existent de réelles divergences : celles qui opposent les économies anciennes, plutôt stagnantes, aux marchés émergents, en très forte croissance économique. Connaissant la corrélation qui lie dépenses de santé et croissance économique, Sanofi se trouve là où il faut être, et s’y trouve bien positionné.
EBM : Pouvez-vous préciser le potentiel stratégique que recèle l’acquisition de Genzyme ? Qu’en est-il du chiffre d'affaires de Genzyme au deuxième trimestre et des synergies avec Genzyme ?
CV : Genzyme est pour notre groupe une acquisition majeure, et le degré d’intégration déjà réalisé est très satisfaisant. Au deuxième trimestre, l’évolution des ventes est excellente (+16% à change constant). Le redressement de la production se poursuit. Malgré le timing de l’intégration, tous les indicateurs de Genzyme sont au vert pour ce deuxième trimestre. Genzyme avait quatre centres d’intérêt, auquel on pourrait aujourd’hui ajouter un cinquième, la sclérose en plaques. À l’analyse, certains nous avaient paru correspondre véritablement au modèle d’approche personnalisée du patient, propre à Genzyme, tandis que d’autres appelaient des économies d’échelles correspondant davantage au modèle Sanofi. Nous avons dès lors décidé d’intégrer les pôles Maladies rénales, Biochirurgie et Oncologie à l’existant chez Sanofi. Cette décision va entraîner d’énormes synergies commerciales. Le lancement de Synvisc® au Japon a été un grand succès. Nous pensons pouvoir accroître nos investissements avec Synvisc-One® aux États-Unis, mais nous ne devons pas négliger l’extraordinaire potentiel des marchés émergents, où nous pouvons mieux tirer parti des ressources et de la présence géographique de Sanofi pour faire croître ces métiers. Avec plus de 6.500 collaborateurs en Chine, Sanofi peut jouer de sa présence et contribuer au succès des produits Genzyme en Chine. Prenons par exemple l’activité Maladie Rares, qui englobe les thérapies de remplacement enzymatique (ERT) et Thyrogen: Genzyme n’a pas de véritable rival dans ce secteur, aussi avons-nous voulu lui donner à la fois l’autonomie et l’appui nécessaire. Nous pouvons désormais lui apporter un appui en R&D. Ainsi, nous avons d’emblée revu à la hausse les budgets de quelques programmes de recherche de Genzyme qui étaient en attente de financement pour bien montrer notre intérêt pour les maladies rares. La sclérose en plaques, par exemple, est une opportunité fantastique. Nous avons deux nouveaux produits extraordinaires, Aubagio™ et Lemtrada™, dont le dossier de demande d’homologation sera déposé d’ici 6 à 9 mois. Le premier, Aubagio™, plutôt destiné aux phases précoces, est un traitement per os de la sclérose en plaques particulièrement prometteur. Quant au second, Lemtrada™, une étude de Phase 3 montre des effets impressionnants en termes de prévention des poussées de la maladie. Il y a là de quoi créer un tout nouveau pôle d’activités. Le trimestre écoulé a donc été consacré à parfaire l’intégration. Nous avons précisé les données chiffrées et analysé le potentiel que je viens d’évoquer. Nous sommes persuadés que les synergies dépasseront nos espérances. Au moment de l’acquisition en février, nous avions annoncé près de 600 millions de dollars de synergies ; nous pensons qu’elles atteindront plutôt 700 millions de dollars. Genzyme est sur la bonne voie, et en bonne condition.
EBM : Qu’en est-il de l’homologation de Lemtrada™ ?
CV : Nous venons d’annoncer les résultats de l’étude CARE-MS 1, la première des deux études de phase III réalisées en appui de la demande d’homologation de Lemtrada™. Nous avons observé une réduction de 55% du taux de poussées. Mais attention, ce chiffre résulte d’une comparaison par rapport à un traitement actif et non à un placebo. Cette étude, menée par comparaison à Rebif®, a donc produit un résultat particulièrement prometteur. Cela dit, nous n’avons pas satisfait au deuxième paramètre principal, celui du handicap. Cela semble dû au fait que les patients traités étaient à un stade très précoce de la maladie. Or en phase 2, l’effet positif du traitement sur le handicap est apparu pendant la période d’observation. La deuxième étude de phase III sera annoncée vers la fin de l’année. Dans l’hypothèse où ces résultats seraient en cohérence avec la première étude CARE-MS, nous devrions pouvoir déposer les demandes d’homologation début 2012. Nous disposons déjà d’une évaluation accélérée dans le cadre de la procédure « fast track ». Il pourrait y avoir là une opportunité majeure pour les patients atteints de sclérose en plaques, et nous sommes très impatients de lancer ce projet.
EBM : Quels sont les progrès réalisés par la division Diabète, particulièrement pour Lantus® ?
CV : Le Diabète reste évidemment l’une de nos premières plateformes de croissance, et je suis particulièrement satisfait de son résultat (+12,4%). C’est un domaine dans lequel le groupe a investi beaucoup et entend investir davantage encore. Lantus® a progressé de 14,5% au cours du trimestre. Nous avons également fait en sorte que les patients puissent se procurer plus facilement le stylo SoloSTAR® qui se revèle très pratique. Aujourd’hui, 46% des nouveaux patients entament leur traitement avec SoloSTAR® contre moins de 40% il y a 18 mois. Nous avons fait de même pour Apidra®. Cette insuline à action rapide est un produit très important. Nous avons enregistré des ventes de 53 millions d’euros au cours du trimestre (+29%). Nous devons également voir l’avenir, et notre produit GLP-1, Lyxumia®, progresse bien. Nous avons pu présenter des résultats particulièrement satisfaisants à la conférence de l’ADA (Association Américaine de Diabète) en début d’année. Notre pôle Diabète tourne donc à plein rendement. Et nous continuons d’investir dans cette activité extrêmement importante pour l’avenir du groupe.
EBM : Aujourd’hui, votre activité Santé Grand Public regroupe un grand nombre de marques locales. À terme, envisagez-vous de les regrouper au sein d’une division unique à l’échelle mondiale ?
CV : Avant tout, je veux rappeler qu’en matière de Santé Grand Public, nous venons de loin : ce trimestre-ci, la Santé Grand Public a réalisé un chiffre d'affaires de 644 millions d’euros, soit +17.6%. Quand je repense à nos débuts, nous avons presque construit ce pôle ex nihilo. Nous n’avions aucune présence aux États-Unis. Nous avons acquis Chattem. Nous avons réussi à faire homologuer Allegra® pour la vente libre ; et rien qu’au premier semestre, Allegra® a atteint 143 millions d’euros de chiffre d'affaires, dépassant la 2e marque de ce secteur, Zyrtec®. Le transfert de produits vers d’autres marchés progresse bien et conforte notre présence mondiale. Ainsi, nous n’avions aucune présence en Chine début 2010. Nous avons acquis BMP Sunstone. Nous avons créé une coentreprise avec Minsheng Pharmaceutical, et sommes devenus un acteur important de la Santé Grand Public en Chine. Et cette plateforme va nous aider à lancer le Lactacyd® en Chine. Aujourd’hui, nous visons l’Europe, et nous avons réussi à recruter un nouveau dirigeant extrêmement talentueux dans ce secteur. Aujourd’hui, nous étudions les possibilités de développement de ces marques en Europe. Au fur et à mesure que nous étendons nos activités, nous développons notre présence mondiale. Mais la Santé Grand Public reste un métier de proximité, nous ne devons pas l’oublier. Et nos capacités régionales restent très fortes. Cela nous est très utile dans les marchés émergents, et peut aussi nous procurer des opportunités de croissance durable dans certains marchés plus traditionnels. La performance du secteur Santé Grand Public me satisfait donc tout particulièrement.
EBM : En Santé Animale, Frontline® résiste-t-il bien à l’émergence des génériques ?
La réponse est oui. De toute évidence, Frontline® est un moteur de notre activité Santé Animale. Dans son ensemble, celle-ci a progressé de 6,7% au premier semestre. Au premier semestre, Frontline® a enregistré un chiffre d'affaires record à plus de 450 millions d’euros. C’est essentiel car dans l’environnement mondial de la santé animale, cette marque est la seule à dépasser le milliard de dollars. C’est donc le seul médicament « blockbuster » en santé animale. Malgré l’introduction de génériques, surtout en Europe, nous avons su maintenir une part de marché supérieure à 90%. Nous avons réussi à défendre notre propriété intellectuelle aux États-Unis et nous avons étendu la gamme canine avec Certifect®.
En Santé Animale, la croissance de la population et l’exode rural, notamment dans les marchés émergents, annoncent une croissance du marché de l’animal de compagnie. Voyez la croissance économique et démographique de ces pays - particulièrement sous l’angle de la production animale, des vaccins indispensables aux poulets et au bétail - et mesurez l’importance d’un approvisionnement alimentaire croissant et de meilleure qualité. Toutes les tendances de fond appellent à investir dans la santé animale, et Sanofi et Merial me paraissent particulièrement bien positionnés. Jusqu’ici, le centre de gravité de ce métier était davantage sur l’animal de compagnie que sur l’animal d’élevage. Maintenant que Merial nous appartient à 100%, nous revoyons nos stratégies pour déterminer comment assurer au mieux sa croissance avec un portefeuille plus équilibré.
EBM : Comment s’est comportée l’activité Vaccins au premier trimestre ? Où en sont aujourd’hui les livraisons pour la grippe saisonnière ?
CV : Nos ventes ont atteint 1,3 milliard d’euros au premier semestre 2011, en hausse de 6% si j’élimine les ventes non récurrentes de vaccins liées à la pandémie H1N1 de 2010. Dans l’ensemble, cette activité est manifestement saisonnière, essentiellement à cause de la grippe saisonnière. Au premier semestre, nous vendons des vaccins contre la grippe saisonnière dans l’hémisphère Sud (pour cette saison, le chiffre d'affaires a atteint un record à 158 millions d’euros). Nous nous préparons maintenant pour la saison de la grippe aux États-Unis et en Europe, et les ventes s’annoncent bien. Nos premières livraisons ont eu lieu le 18 juillet.
Sanofi consacre beaucoup d’énergie à améliorer la gestion du cycle de vie du produit, et enregistre de véritables progrès. L’an dernier, le fait de proposer un vaccin antigrippal à dose plus élevée pour les seniors a été une réussite. Cette année, nous lançons aux États-Unis une nouvelle innovation, un stylo intradermique pour Fluzone®. Voilà encore un domaine où nous continuons d’innover, dans un contexte favorable à notre activité. Dans le domaine de la santé, les vaccins représentent un investissement majeur. Nous vivons dans un monde de plus en plus attentif aux coûts. En matière de santé, le meilleur investissement reste la prévention. Voilà pourquoi nous sommes très fiers d’être en mesure, chaque année, de vacciner plus de 500 millions de personnes avec un vaccin de Sanofi Pasteur.
EBM : Vous allez bientôt déposer plusieurs demandes d’homologation de nouvelles molécules. Parmi ces produits, y en a-t-il un dont le marché, à vos yeux, ne reconnaît pas encore tout le potentiel ?
CV : Bien des gens croient aujourd’hui que Sanofi n’a pas grand-chose en cours de développement. Ils seraient bien surpris d’apprendre que nous comptons faire homologuer six nouvelles molécules au cours des neufs prochains mois. Je connais le secteur pharmaceutique depuis longtemps. Je n’ai jamais connu de société avec un si grand nombre de molécules prêtes à présenter à l’homologation. Je suis donc persuadé que le marché sous-estime notre portefeuille. Nous préparons des produits très différents, au potentiel différent. Nous avons le Kynamro™, généralement connu sous l’appellation mipomersen. Ce produit a été mis au point pour traiter l’hypercholestérolémie familiale. Nous avons le Visamerin® (semuloparine), utilisé en prévention d’événements thromboemboliques veineux chez des patients cancéreux traités par chimiothérapie. Nous avons également Aubagio™, un traitement per os de la sclérose en plaques. Cette molécule s’avère très efficace, et nous devrions bientôt la positionner pour des patients à des stades plus précoces. Nous avons Zaltrap™, également connu sous le nom VEGF-Trap, très prometteur dans le traitement du cancer colorectal. Nous avons évidemment notre GLP-1, que nous appelons Lyxumia®, un nouvel ajout à notre arsenal antidiabétique. Et nous avons bien entendu Lemtrada™, apporté par Genzyme, traitement très prometteur contre la sclérose en plaques.
La plupart des prévisions relatives au groupe semblent mettre l’accent sur nos plateformes de croissance. À juste titre d’ailleurs ! Mais nous sommes loin d’avoir abandonné l’innovation. Lors de l’analyse de notre portefeuille il y a 30 mois, nous l’avons soumis à un stress-test. Je suis ravi de voir aujourd’hui ces produits, que nous avons décidé de conserver dans notre portefeuille, déboucher sur une demande d’homologation. La R&D reste une des grandes difficultés dans notre métier. Mais Sanofi y progresse sensiblement, et nous sommes meilleurs que bien des gens ne le croient encore.
EBM : Pour conclure, maintenant que l’acquisition de Genzyme est achevée, quelles sont vos prévisions pour l’exercice 2011 ?
CV : Avant tout, je tiens à rappeler les principaux facteurs en jeu. Le premier, bien sûr, concerne les ventes H1N1. Il s’agit des ventes du vaccin contre la pandémie de grippe du premier semestre 2010, qui ne s’est pas renouvelée en 2011. Deuxième facteur : l’érosion substantielle due aux produits génériques se poursuit. Rien que pour le 2e trimestre, cela représente environ 800 millions. Mais nous avons également enregistré l’excellente performance de nos plateformes de croissance. Et nous allons consolider Genzyme sur deux trimestres, contre un seul au premier semestre. Globalement, avec une excellente performance sous-jacente du groupe, contrecarrée par l’absence de H1N1 et par l’activité générique, nous prévoyons maintenant un BPA en recul de 2% à 5% par rapport à 2010 à change constant.
La plupart des investisseurs s’intéresse aux perspectives de Sanofi à plus long terme. Et bien entendu, nous organiserons le 6 septembre 2011 une journée Investisseurs, à laquelle nous invitons tous les investisseurs.
EBM : Chris Viehbacher, Directeur Général de sanofi-aventis, je vous remercie.
CV : Merci, Adrian.