EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas publie ses résultats du deuxième trimestre 2011. Baudouin Prot, bonjour. Quels sont vos commentaires sur la performance du Groupe au troisième trimestre ?
Baudouin Prot : Le Groupe a réalisé une excellente performance ce trimestre, malgré de nouvelles dépréciations sur la dette grecque et malgré un environnement très difficile pour les activités de nos pôles CIB et gestion d’actifs. Le Produit Net Bancaire dépasse les 10 milliards d’euros. Nos coûts restent maîtrisés, tandis que le coût du risque, hors éléments exceptionnels, poursuit son recul sensible par rapport à 2010. Après le nouvel accord du 27 octobre sur la dette grecque, nous avons augmenté les dépréciations pratiquées sur notre exposition grecque, pour un coût avant impôt de 2,3 milliards d’euros. Le résultat net du groupe s’élève donc 541 millions d’euros. Mais il serait proche de 2 milliards d’euros en l’absence de cette dépréciation complémentaire sur la dette grecque. Le résultat net pour les 9 premiers mois de 2011 atteint 5,3 milliards d’euros, soit un ROE annualisé de 10,2%, toujours très compétitif. BNP Paribas continue de créer de la valeur pour toutes ses parties prenantes, comme le démontre la nouvelle augmentation, à 57,4 euros, de la valeur comptable par action.
EBM : Suite au récent accord visant à réduire de 50% l’endettement grec, avez-vous constitué de nouvelles provisions sur la Grèce ce trimestre ? Si oui, quelle en est l’ampleur ? Comment voyez-vous le risque de contagion à d’autres pays tels que l’Italie, le Portugal, l’Espagne ou l’Irlande ?
Baudouin Prot : Comme je l’ai déjà indiqué, nous avons porté au troisième trimestre à 60% nos provisions sur l’exposition grecque. Notre exposition résiduelle nette est désormais limitée à 1,6 milliard d’euros. L’exposition de nos activités d’assurance a fait l’objet d’une dépréciation du même ordre. Le récent sommet européen a pris des mesures décisives pour ramener la confiance sur les marchés. Cela inclut le réexamen du programme d’aide à la Grèce, tant pour le secteur public que pour les créanciers privés, et le renforcement considérable du Fonds de stabilité financière à 1 000 milliards d’euros. Ces mesures sont de nature à réduire le risque technique de contagion aux autres pays périphériques. Néanmoins, l’éventualité de soumettre le plan de sauvetage à référendum est une nouvelle source d’incertitude.
EBM : Vous avez annoncé un plan ambitieux de réduction de la taille de votre bilan, pour augmenter d’ici à fin 2012 votre ratio Common equity Tier 1 de 100 points de base. Cela équivaut à réduire de 70 milliards d’euros vos actifs moyens pondérés. Quelle incidence aura ce plan sur votre PNB et sur vos résultats ?
Baudouin Prot : Ce plan de réduction du bilan est en bonne voie de réalisation. En effet, nous entendons renforcer de 100 points de base notre ratio Common Equity Tier 1 d’ici à fin 2012. Nous avons identifié plusieurs projets et initiatives représentant 80% de ce programme, dont la réalisation est en cours ; quant elle sera achevée, notre résultat brut d’exploitation sur base récurrente devrait baisser de 750 millions d’euros après prise en compte des effets favorables de la nouvelle tarification et de la réduction des coûts. Nous estimons en outre à 400 millions d’euros les coûts de restructuration et à 800 millions d’euros les pertes sur cessions d’actifs. L’un des piliers de ce plan consiste à réduire nos besoins de financement en dollars de 60 milliards de dollars d’ici à fin 2012. Nous avons déjà réalisé une première réduction de 20 milliards de dollars ce trimestre, et une deuxième tranche, également de 20 milliards de dollars, est programmée au 4e trimestre. Cela signifie que nous aurons déjà réalisé deux tiers de notre objectif avant la fin de l’année.
EBM : Depuis quelques semaines, votre spread de CDS connaît des tensions. Votre coût de financement risque-t-il de croître ? Si oui, de quel ordre ?
Baudouin Prot : En effet, notre spread de CDS s’est élargi depuis le mois d’août, sur fond d’inquiétudes sur la dette souveraine en Europe. Cela étant, les spreads de CDS reflètent davantage les inquiétudes des marchés que les coûts de financement. Nos sources de financement sont extrêmement diversifiées. Et même si le marché des obligations non garanties est temporairement fermé, BNP Paribas a pu lever au cours des trois derniers mois plus de 8 milliards d’euros de ressources supplémentaires à moyen et à long terme par le biais de placements privés et de son réseau. La maturité moyenne est supérieure à 5 ans, pour un coût moyen égal au taux swap majoré de 89 points de base, soit une augmentation modérée par rapport à notre coût de funding du premier semestre. Outre ces 8 milliards, nos besoins supplémentaires de financement à moyen et à long terme pour 2012 s’élèvent à environ 20 milliards d’euros.
EBM : Les turbulences sur les marchés financiers pénalisent l’activité de collecte de fonds et causent d’importants retraits de capitaux. Quelle est votre situation sur ce point ? Envisagez-vous d’adapter votre structure actuelle et de quelle manière ?
Baudouin Prot : Il va sans dire que l’aversion au risque de nos clients a pénalisé notre collecte de fonds, mais de manière modulée. En gestion d’actifs, nous avons observé des sorties de capitaux dans toutes les classes d’actifs. En revanche, les activités de banque privée et d’assurance ont accru leur collecte de fonds sur nos marchés domestiques et en Asie. Nos revenus ont augmenté au troisième trimestre, malgré un environnement difficile et malgré une moindre contribution du pôle gestion d’actifs. Celui-ci va d’ailleurs continuer de tirer profit des synergies inhérentes au plan d’intégration de Fortis. En outre, devant les difficultés actuelles, nous évaluons différentes solutions permettant d’optimiser encore notre plateforme.
EBM : Vous avez confirmé que votre solvabilité est suffisante. Or selon les nouveaux stress tests de l’ABE (Autorité Bancaire Européenne), il manquerait au groupe 2,1 milliards d’euros pour atteindre l’objectif de 9% d’ici juin 2012. Pourriez-vous être contraint d’augmenter vos capitaux propres pour renforcer votre marge de sécurité ?
Baudouin Prot : Fin septembre, notre ratio de capitaux propres Common Equity Tier 1 s’établissait à 9,6%. Si l’exercice mené par l’ABE affiche un déficit pour BNP Paribas, c’est parce qu’il se limite à deux éléments négatifs : la mise en œuvre de Bâle 2.5 (-60 points de base) et une réévaluation aux prix de marché de l’exposition à la dette souveraine européenne, en avance sur le calendrier de Bâle III (-40 points de base). Or d’ici à fin juin 2012, nous devrions bénéficier des effets favorables substantiels du plan de réduction en cours d’exécution et des bénéfices non distribués des trois prochains trimestres. La moitié des effets de notre plan de réduction du bilan (+50 points de base), à elle seule, devrait renforcer notre ratio de solvabilité Common Equity Tier1 à 9,1% d’ici juin 2012, sans même tenir compte des bénéfices générés sur la même période. Il me semble donc clair que BNP Paribas pourra respecter l’objectif fixé par l’ABE sans devoir faire appel au marché
EBM : S’agissant de l’activité de détail sur vos marchés domestiques, quel a été l’impact des récents événements, surtout en termes de collecte de dépôts ? Votre coût de financement a-t-il augmenté ?
Baudouin Prot : L’activité de détail sur nos marchés domestiques a bien progressé au cours du trimestre. Sur nos quatre marchés domestiques (France, Italie, Belgique et Luxembourg) les volumes sont restés soutenus. Au troisième trimestre, les dépôts comme les crédits ont tous deux progressé de manière très équilibrée, d’environ 6%.
Nous continuons de financer activement les projets de nos clients sur nos marchés domestiques, et lançons des actions ciblées en direction des PME et des entrepreneurs. Nous continuons également de satisfaire la demande de crédit logement des ménages, toujours soutenue quoiqu’en léger retrait par rapport aux trimestres précédents. La progression des dépôts en France et au BeLux reste très saine, avec une progression supérieure à 7% au troisième trimestre. Cette progression concerne surtout les dépôts à vue et les comptes d’épargne. Vu la situation actuelle des marchés et de la réglementation, la préférence des clients comme celle des banques va vers les produits de bilan plutôt que vers ceux de hors bilan. En Italie, BNL enregistre un léger tassement de ses dépôts, conforme à l’évolution du marché. Cette collecte soutenue de dépôts ne s’est pas faite au détriment de la rentabilité. Le coût du risque reste très bas en France et au BeLux ; il se stabilise chez BNL et continue de diminuer chez BancWest et Personal Finance. Toutes les activités de banque de détail ont enregistré au cours du trimestre une progression à deux chiffres de leur rentabilité avant impôt ; le bénéfice avant impôt du pôle de Banque de détail progresse dès lors de 23%.
EBM : Parlons du pôle CIB. De nombreuses banques européennes ont annoncé pour leur activité de marché de capitaux (surtout en « Fixed Income ») une rentabilité inférieure aux attentes. Confirmez-vous cette prévision ? Quelle a été la performance de BNP Paribas au cours du dernier trimestre ?
Baudouin Prot : Comme nos concurrents européens l’ont déjà annoncé, nos activités CIB ont souffert, ce trimestre, des perturbations sur les marchés, ce qui s’est traduit par une baisse des revenus des métiers de « marchés de capitaux ». Pour l’activité Fixed Income, l’incertitude relative à la dette souveraine européenne a accru la volatilité et fortement réduit la liquidité en termes de crédit et de taux. Les recettes de cette activité ont chuté de 33%, hors coûts de la réduction de notre exposition à l’endettement souverain. Malgré ces difficultés, BNP Paribas a maintenu une importante activité d’émission d’obligations d’entreprises. Le Groupe a préservé son rang de numéro 1 mondial en émissions d’obligations sécurisées, qui auront été, pour le trimestre écoulé, la principale voie d’accès aux marchés des capitaux pour les banques européennes. Malgré les pressions actuelles sur la rentabilité de notre activité Fixed Income, les atouts inhérents à notre plateforme Fixed Income positionnent favorablement BNP Paribas pour tirer profit de la désintermédiation qu’entraînera la réglementation Bâle III, afin qu’elle conserve son leadership dans la zone euro.
EBM : Les nouvelles règles de liquidité et la nouvelle réglementation sur le crédit à la consommation pénalisent votre pôle Personal Finance. Quel avenir voyez-vous pour ce métier ?
Baudouin Prot : Dans l’environnement mouvant que vous venez de décrire, la division Personal Finance est déjà en bonne voie. Face au durcissement des contraintes de liquidité, nous avons réduit notre activité hypothécaire spécialisée dans certains pays ; de plus, dans ses marchés domestiques, le groupe entend réorienter cette activité vers ses réseaux de détail. En outre, les nouvelles règles européennes visant à limiter le surendettement des ménages induisent une réduction des volumes d’activité. Ces facteurs vont peser sur notre PNB mais limiteront également le coût du risque. Je reste donc convaincu que Personal Finance restera un contributeur important à la rentabilité du groupe.
EBM : Baudouin Prot, CEO de BNP Paribas, merci beaucoup !
Baudouin Prot : Merci à vous.