EuroBusiness Media (EBM) :BNP Paribas publie ses résultats pour le premier trimestre. Baudouin Prot, bonjour. Vous êtes Administrateur Directeur Général de BNP Paribas. Quels commentaires pouvez-vous faire sur la performance du Groupe au premier trimestre ?
Baudouin Prot (BP): Au 1er trimestre 2011, BNP Paribas a confirmé sa capacité à engendrer une croissance organique régulière.
Le PNB du Groupe a progressé à EUR 11,7 milliards contre EUR 11,5 milliards au 1er trimestre 2010, entraîné par l’excellent niveau d’activité de tous les pôles opérationnels. Le résultat brut d’exploitation atteint EUR 5,0 milliards grâce à un contrôle strict des charges opérationnelles et malgré l’imposition d’une taxation systémique. Le coût du risque recule pratiquement d’un tiers, portant le résultat net part du groupe à EUR 2,6 milliards. Cette progression de 14,6% par rapport à l’exercice précédent apporte une fois de plus la preuve de la forte capacité bénéficiaire de BNP Paribas.
Le rendement annualisé des capitaux propres s’améliore donc à 15,1% contre 14,4% au 1er trimestre 2010, tandis que la solvabilité reste élevée. Le ratio Tier 1 de capitaux propres progresse à 9,5% à fin mars 2011, contre 8,3% un an plus tôt.
Enfin, la valeur comptable par action s’établit à 57,7 euros (+9,1% en glissement annuel) pour un bénéfice par action de 2,1 euros (+13,6%).
EBM: Les tensions demeurent sur le marché de la dette souveraine. Or votre groupe est exposé à des pays tels que le Portugal, l’Irlande et la Grèce. Pouvez-vous nous éclairer sur la perte potentielle qu’entraînerait pour le groupe une décote appliquée à la dette souveraine ? Le niveau de vos capitaux propres Tier 1 est-il suffisant dans cette éventualité ?
BP: Les obligations souveraines grecques, portugaises et irlandaises détenues par BNP Paribas dans son portefeuille bancaire s’élèvent à EUR 6,7 milliards, soit 3% du portefeuille d’actifs disponibles à la vente.
Ces obligations sont destinées à couvrir l’activité d’intermédiation de la banque contre le risque de taux, aussi entendons-nous les conserver jusqu’à l’échéance.
Elles sont comptabilisées comme actifs disponibles à la vente, et valorisées au prix du marché par le biais des capitaux propres. Fin mars 2011, notre portefeuille d’actifs disponibles à la vente, dont ces obligations font partie, affichait une plus-value latente de 340 millions d’euros.
Je m’abstiendrai d’alimenter la rumeur relative à d’éventuelles décotes sur la dette d’un État membre de la zone euro.
Je vous répondrai néanmoins que dans l’hypothèse tout à fait théorique d’une décote aux prix du marché en fin de trimestre, l’incidence sur notre ratio de capitaux propres Tier 1 serait limitée à environ 15 points de base, et l’impact sur la valeur comptable par action, à environ 1 euro.
EBM: Au premier trimestre, vos réseaux de détail ont fait montre d’une bonne résistance dans vos marchés domestiques (France, Italie, Belgique et Luxembourg). Pourtant, l’éventualité de relèvements futurs des taux d’intérêt de la BCE ne constitue-t-elle pas un risque pour le revenu d’intermédiation de vos activités domestiques de banque de détail ?
BP: La France, l’Italie, la Belgique et le Luxembourg sont des marchés domestiques sains et prospères, dont la forte progression des volumes d’affaires s’est poursuivie au premier trimestre 2011.
Les encours de prêts sur les marchés domestiques ont progressé de 3,9% par rapport au 1er trimestre 2010, soutenus par la forte demande de prêts hypothécaires et par la reprise du crédit aux entreprises en Italie. Du côté des dépôts, les marchés domestiques affichent une impressionnante progression en volume (+8,5%) par comparaison avec le premier trimestre 2010.
Le revenu d’intermédiation tire évidemment profit de cette tendance.
La gestion actif/passif de BNP Paribas vise à couvrir le portefeuille bancaire contre les variations de taux d’intérêt. Ainsi, une remontée des taux directeurs de la BCE de 1% sans variation des taux longs (entraînant donc un aplatissement de la courbe des taux) n’aurait qu’une incidence négligeable sur les revenus du groupe.
Dans une vision à plus long terme, le produit d’intermédiation augmente avec le niveau des taux d’intérêt et avec la pente de la courbe des taux.
EBM: Envisagez-vous d’améliorer votre collecte de dépôts en incitant vos clients à désinvestir des instruments de placement collectif pour se tourner vers des produits de bilan ? Si oui, la croissance de vos revenus de gestion d’actifs risque-t-elle de ralentir à terme ?
BP: L'anticipation d’une évolution réglementaire favorisant les dépôts au détriment des produits hors bilan s’est en effet accompagnée, sur les marchés, d’une tendance à déplacer certains capitaux vers les dépôts bancaires. Ces transferts concernent essentiellement des fonds sur le marché monétaire à faible rendement détenus par nos clients de banque de détail en France ; ils restent sans effet sur la rentabilité du réseau.
Pour Investment Partners, les fonds monétaires détenus par des particuliers ne représentent qu’un volume marginal et sont les moins rentables. L’incidence sur le résultat d’Investment Partners sera donc très limitée.
EBM: Avec son pôle Personal Finance, BNP Paribas est l’un des leaders européens du crédit à la consommation. Les perspectives macroéconomiques sont-elles aujourd’hui une source d'inquiétude pour cette activité ?
BP: Pas vraiment. Compte tenu de notre modèle économique et de notre positionnement géographique, nous n’avons pas épuisé les pistes de croissance profitable, et en particulier celles qui touchent :
_ - à la progression du PNB,
_ - à l’amélioration de notre efficacité opérationnelle grâce à l’alliance avec BPCE,
_ -aux perspectives favorables en matière de coût du risque.
En ce qui concerne les revenus, nous avons identifié trois leviers d’action :
_ - D’abord, sur nos marchés domestiques, malgré le durcissement des contraintes réglementaires qui touchera la France et l’Italie, nous observons un potentiel de hausse en Belgique. Nous devrions pouvoir y tirer profit du manque de développement actuel du marché et accroître notre part de marché, actuellement inférieure à notre part de marché générale en banque de détail ;
_ - Ensuite, BNP Paribas Personal Finance est présent sur des marchés en croissance rapide, soit directement (République tchèque, Hongrie et Turquie), soit via « PF Inside », qui distribue des crédits à la consommation par le biais des réseaux du Groupe, notamment en Pologne et en Ukraine ;
_ -Enfin, Personal Finance peut exploiter son savoir-faire en matière de partenariats bancaires, comme le démontre le succès de la coentreprise lancée avec Commerzbank en Allemagne.
EBM: Qu’en est-il de l'évolution qualitative générale des actifs dans la banque de détail ? Prévoyez-vous toujours, pour 2011, des provisions pour pertes de crédit inférieures à celles de 2010 ?
BP: Par rapport à l’an dernier, le coût du risque a reculé de 31% pour le premier trimestre au niveau du Groupe. En pourcentage des crédits à la clientèle, il représente désormais 54 points de base, contre 83 au 1er trimestre 2010 et 72 pour l’exercice 2010. De plus, le recul du volume de prêts non productifs s’est enclenché.
Ces chiffres confirment l’amélioration continue et générale de la qualité des actifs, malgré des disparités entre les tendances observées sur les différents marchés. Le niveau des provisions est resté bas pour la France et le BeLux ; il s’est stabilisé en Italie.
Pour l’exercice 2011, nous prévoyons en effet des provisions sur pertes de crédit inférieures à celle de 2010. Ce devrait être particulièrement le cas pour Personal Finance et BancWest.
Quant à l’entité Europe-Méditerranée, il est difficile d’y prédire une tendance pour le reste de l’année compte tenu des troubles politiques que connaissent certains pays.
EBM: Au sein du pôle « marchés des capitaux » de CIB, quelle est l’activité dont la contribution à l’excellent résultat du premier trimestre a été la plus élevée ?
BP: L’activité a été très forte sur les marchés de capitaux au cours du trimestre, du fait de la volatilité des marchés et de la demande croissante des clients pour des solutions de couverture et de protection. Le PNB atteint EUR 2,3 milliards, en recul de 14,5% par rapport au T1 2010, qui fut un trimestre exceptionnel.
Pour Fixed Income, le volume d’émissions nouvelles est resté soutenu, particulièrement en mars, avec une grande diversité d’émetteurs. En l’occurrence, BNP Paribas a renforcé ses parts de marché. Nous avons confirmé notre première place en émissions obligataires en euros, puisque notre part de marché a bondi de 8,1% en 2010 à 8,9% en 2011. Nous avons également progressé sensiblement sur le front des émissions Yankee en dollars, passant de la 9e à la 4e place du classement général en obligations internationales.
L’activité sur les marchés dérivés de l’énergie et des matières premières est également très bien orientée, sous l’effet d’une demande marquée et généralisée de couverture, tant de la part des producteurs que des distributeurs.
Les segments Equity et Advisory ont également connu un bon niveau d’activité, qu’il s’agisse de produits de flux ou de produits structurés. Les produits structurés à capital garanti restent très demandés par les réseaux de banque de détail et d'assurance.
Cette très bonne performance s’est en outre accompagnée d’un nouveau recul des besoins en fonds propres et d’une stabilité de la valeur en risque sur le trimestre, en dépit d’une augmentation de la volatilité sur les marchés.
EBM: Le PNB d’une partie de vos activités Equity n’est pas consolidé puisqu’il provient de votre coentreprise avec Exane. Est-il toujours opportun de sous-traiter l’activité actions au comptant alors que la plupart de vos concurrents intègrent aujourd’hui cette activité à leurs activités de dérivés et de services aux hedge funds ?
BP: BNP Paribas figure déjà parmi les meilleurs opérateurs mondiaux en dérivés actions. Nous n’en continuons pas moins d’investir pour renforcer notre activité au comptant. Cela passe par une recherche de convergence entre les métiers concernés, et notamment la recherche et les dérivés actions.
C’est pour cette raison que nous tenons à renforcer la coopération entre BNP Paribas et Exane et à mieux coordonner les plans de développement. Cela implique de concilier notre vision stratégique avec l’étroite et précieuse collaboration qui nous lie dans notre activité quotidienne.
La récente décision de développer l’activité de Recherche d’Exane tout en renforçant la plateforme CIB de BNP Paribas à Londres constitue un pas important dans cette voie en Europe.
EBM: La solvabilité des grands groupes tend à s'améliorer depuis quelques trimestres. Faut-il s’attendre à voir décroître le redressement des marges de votre activité de financement ?
BP: Les volumes financés ont été particulièrement soutenus au cours du trimestre, induisant un rebond de +6,8% du PNB, outre un excellent niveau du volume des commissions pour l’activité Financements Structurés.
L’amélioration qualitative des actifs observée dans les métiers de financement de CIB a très nettement contribué à l’accroissement de +20,5% du résultat par rapport au 1er trimestre 2010.
La pression concurrentielle sur le marché n’a causé qu’un faible tassement des marges. Le nouveau cadre réglementaire n’a pas encore eu d’effet majeur sur les marges, mais le secteur semble devoir traverser une période d’ajustement au cours des 12 à 18 prochains mois. De quoi éliminer les opérateurs les plus faibles de certains des métiers de CIB, et donc redresser de nouveau les marges.
EBM: Dans votre activité de collecte et en particulier de gestion d’actifs, vous attendez-vous toujours à une collecte nette pour 2011 ? Accroître vos volumes d’actifs gérés par le biais d’une acquisition fait-il toujours partie de vos projets ?
BP: La collecte nette d’actifs par Investment Solutions atteint EUR +8,3 milliards au T1 2011, avec une contribution positive de l’ensemble des métiers. L’effort contributif le plus élevé provient de la Banque privée et de l’Assurance.
La collecte nette en gestion d’actifs s’explique par l’obtention de nouveaux mandats de gestion de fonds diversifiés et obligataires, malgré la décollecte ininterrompue, quoique plus lente, dans les fonds du marché monétaire.
De manière générale, la tendance 2011 en termes de collecte nette pour la gestion d’actifs dépendra de plusieurs éléments, parmi lesquels l’évolution des taux d’intérêt et l’appétence au risque des investisseurs. Dans l’environnement actuel, la décollecte des fonds monétaires devrait se poursuivre, à moins qu’ils ne bénéficient d’une hausse des taux d’intérêt.
Avec plus de EUR 900 milliards d’actifs gérés, dont EUR 456 milliards logés dans la division Asset management depuis la récente intégration de Fortis, BNP Paribas est un intervenant de poids. Désormais, BNP Paribas compte parmi les premiers opérateurs d’Europe. Notre tâche première consiste donc à optimiser notre organisation actuelle afin de favoriser la croissance interne.
EBM : Baudouin Prot, CEO de BNP Paribas, merci beaucoup !
BP : Merci à vous.