EuroBusinessMedia (EBM) : Sanofi, leader mondial et diversifié de la santé, publie aujourd’hui ses résultats pour l’exercice 2013. Christopher Viehbacher, bonjour. Vous êtes le Directeur Général de Sanofi. Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’activité au 4e trimestre 2013 ? En septembre 2013, vous annonciez une croissance de 6 % du chiffre d'affaires. C’était le premier mois sans effet lié à la « falaise brevetaire ». Cette tendance se confirme-t-elle au 4e trimestre ?
Christopher A. Viehbacher : En effet ! Dès le début de 2013, nous avons prédit ce retour à la croissance. Je dis souvent qu’il s’agit d’un retour à la croissance « par soustraction », puisqu’en réalité, c’est dès la fin août que la « falaise brevetaire » a cessé de produire ses effets. Depuis le 1er septembre, nous sommes dans des périodes comparables, c'est-à-dire sans expirations de brevets dans les trimestres de l’année de comparaison. Septembre a été le premier mois de ce type. La tendance s’est poursuivie au 4e trimestre, avec des ventes en progression de 6,5 %.
Quant à nos plateformes de croissance, je suis également très satisfait de leur performance. Elles ont progressé de 10 % au cours du trimestre, entraînées par notre activité Diabète qui a poursuivi sa longue série de 12 trimestres consécutifs de croissance (+19 %) - dont Lantus®, avec des ventes en hausse de 20 %. Autre facteur rassurant : les marchés émergents ont renoué avec une solide croissance : +10,4 % sur le trimestre, toutes régions confondues ; une croissance à deux chiffres en Amérique latine, en Asie et dans la région Intercontinentale. À Toronto, nous avons résolu nos problèmes de production, et les volumes sont progressivement revenus au niveau que nous annoncions au troisième trimestre. Pas entièrement - les ventes sont donc restées stables - mais la production est à nouveau régulière.
Chez Genzyme, j’observe une très forte performance. Les ventes progressent de plus de 30 %, d’une part grâce à notre division Maladies rares, où nous avons reconquis la première place dans toutes les catégories de maladies, et d’autre part grâce au grand succès du lancement d’Aubagio® aux États-Unis, fin 2012, qui s’est poursuivi en 2013. Au 4e trimestre, les ventes d’Aubagio® atteignent €69 millions. Donc, oui, Genzyme connaît un fort développement.
Notre pôle Santé animale est toujours confronté aux difficultés rencontrées par Frontline®. Aux États-Unis, en particulier, la saison des puces et des tiques n'a pas été très bonne. Le marché a donc reculé par rapport aux années précédentes, tendance qui s’est poursuivie au 4e trimestre. En revanche, nous avons obtenu l’approbation de produits qui succèdent à Frontline®, à savoir notamment NexGard™ pour les chiens et Broadline™ pour les chats.
Dans l’ensemble, nous avons démontré que certains problèmes rencontrés en 2013 ont été résolus et que nous sommes capables de renouer avec la croissance. Évidemment, pour se projeter dans l’avenir, l’un des éléments essentiels est de disposer de nouveaux produits à lancer. Sur ce point aussi, j’ai de quoi être très satisfait. Nous avons développé un solide portefeuille de phase III, comprenant 9 nouveaux projets très prometteurs à un stade avancé de développement. Alors oui, j’estime que nous sommes bien préparés pour 2014 grâce à cette performance.
EBM : Quelles sont vos perspectives pour 2014 ? Devons-nous nous attendre à un rebond par rapport à 2013 ?
Christopher A. Viehbacher : Vous avez pu constater le retour à la croissance au 4e trimestre : cela va continuer en 2014. Nos plateformes de croissance poursuivent sur leur forte lancée. Selon moi, l’aspect le plus enthousiasmant chez Sanofi, actuellement, c’est son portefeuille de Recherche et Développement. Nous comptons continuer à investir dans nos programmes de développement et dans le lancement de nouveaux produits. Globalement, donc, nous prévoyons une progression de notre bénéfice net par action des activités entre 4 et 7 % en 2014.
EBM : Quel dividende allez-vous proposer aux actionnaires ?
Christopher A. Viehbacher : Le dividende est au cœur de la proposition de valeur de Sanofi depuis de nombreuses années. D’ailleurs, nous proposons une nouvelle augmentation, pour la 20e année consécutive. Nous comptons proposer un dividende de 2,80 €, soit un taux de distribution de 55 %. Ce montant est supérieur à l’objectif fixé pour cet exercice (50 %). Mais nous avons toujours dit que ce chiffre était un objectif et non un plafond : la preuve en est faite.
EBM : Quelles sont vos attentes pour Lantus® en 2014 ? Combien de temps pourrez-vous assurer cette croissance à deux chiffres que vous réalisez sans discontinuer depuis 12 trimestres ?
Christopher A. Viehbacher : Comme je l’ai déjà dit, le diabète est à la fois un marché extrêmement important et un défi majeur de santé publique. Dans le monde, le diabète de type 2 atteint plus de 350 millions de personnes et, de toute évidence, Lantus® est LA référence parmi les traitements. Chaque année, plus de 8 millions de personnes bénéficient d’un traitement par Lantus®. Une fois de plus, les particularités de ce marché nous ont assuré une forte progression pendant le trimestre (+20 %). Ce domaine restera longtemps l’un des moteurs de croissance de Sanofi. Aujourd’hui, nous avons Lantus®, mais nous lançons également Lyxumia®, notre GLP-1. Nous avons Apidra® comme insuline d’action rapide. L’une des molécules les plus prometteuses de notre portefeuille est la nouvelle insuline appelée U300. Nous venons de terminer les études EDITION I, II, III et IV, qui ont toutes atteint leur critère d’évaluation principal. Nous comptons déposer un dossier d’enregistrement courant 2014, pour un lancement courant 2015. Enfin, nous venons d’annoncer le début de l’étude de phase III d’une combinaison de Lyxumia® et de Lantus® dénommée LixiLan. Voilà qui constitue un excellent portefeuille dans le domaine du Diabète.
EBM : Venons-en à une autre de vos activités : comment s'est passé le 4e trimestre pour les vaccins ? Les difficultés de production ont été résolues ; tout est-il rentré dans l’ordre ?
Christopher A. Viehbacher : Tout est rentré dans l’ordre. Dans de domaine de la santé, les vaccins sont probablement le produit le plus complexe à fabriquer. Cela explique pourquoi une poignée seulement de sociétés en fabrique. Je suis ravi de pouvoir dire que la situation est rétablie. Notre unité de Toronto a repris ses livraisons. La production reprend progressivement, et les ventes du trimestre sont donc restées stables ; nous avons cependant eu d’excellentes nouvelles pour notre activité « grippe ». Nous avons connu une saison de grippe record avec des ventes de vaccin antigrippal dépassant les €900 millions. C’est une belle histoire car nous avons su prouver la valeur ajoutée de nos produits alors que le vaccin antigrippal est déjà sur le marché depuis un certain temps. Nous avons développé des produits spéciaux pour seniors, nous avons une formule quadrivalente en cours de lancement, nous avons une formule intradermique. En innovant dans ce domaine, Sanofi a donc su maintenir son leadership.
Un des projets que nous avons hâte de voir aboutir est celui de l’usine Shantha en Inde. Nous l’avions acquise il y a quelques années en vue d’y produire des vaccins à un prix abordable, particulièrement pour les marchés émergents. Nous espérons obtenir la préqualification de l’OMS au premier semestre de cette année, étape préalable au lancement de notre vaccin Shan5®. 2014 devrait donc être une bonne année pour les vaccins.
EBM : Les ventes de Genzyme sont en hausse de plus de 30 % en 2013. Quelles sont les perspectives 2014 de Genzyme pour les maladies rares et la sclérose en plaques ?
Christopher A. Viehbacher : Genzyme a connu une année 2013 extraordinaire. En 2012, la priorité était le rétablissement de l’activité. Nous avons réussi à relancer la production, et nous avons pu rétablir un approvisionnement normal pour tous les patients. Le retour à la normale nous a permis d’étendre à nouveau notre marché. Nous avons retrouvé notre leadership tant pour Cerezyme® que pour Fabrazyme®. Myozyme® n’a pas de concurrent, nous avons donc travaillé à étendre ce marché et le produit est en hausse de 12%. Nous avons une nouvelle thérapie orale en cours d'enregistrement. Ainsi, les patients atteints de la Maladie de Gaucher auront accès à un traitement oral. Il ne sera pas indiqué pour les enfants. En revanche, il sera intéressant pour les adultes qui n’ont que difficilement accès à des centres de perfusion ou ceux qui, souffrant d’une forme atténuée de la maladie, souhaitent s’éviter les inconvénients de la thérapie par perfusion. Voilà qui devrait vraiment souligner notre leadership dans le domaine des maladies rares.
Nous avons conclu avec Alnylam un partenariat qui nous donne accès à d’extraordinaires innovations technologiques dans le domaine de l’interférence par ARN. Alnylam a développé de nouveaux médicaments indiqués pour des maladies rares, sur lesquels nous aurons une option. Nous élargirons ainsi notre horizon dans le domaine des maladies rares.
L’autre activité de Genzyme est la Sclérose en plaques. Après un lancement très réussi d’Aubagio® aux États-Unis, nous nous tournons maintenant vers l’Europe. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de €166 millions sur l’année, dont €69 millions au T4. Lemtrada™ a été approuvé dans 30 pays et les lancements ont démarré - il est encore trop tôt pour parler des ventes. Nous sommes déçus par la décision de la FDA et comptons introduire un recours contre cette décision. Pendant ce temps, nous lançons le produit avec succès dans le reste du monde.
EBM : Par le passé, vous avez beaucoup communiqué sur vos atouts dans les marchés émergents par rapport à vos pairs. Aujourd’hui, certains investisseurs s’inquiètent de l’instabilité de ces marchés émergents, et notamment des fortes fluctuations des devises. Quel message leur adressez-vous à propos du potentiel des marchés émergents ?
Christopher A. Viehbacher : Il est très vrai qu’en ce début d’année, les sujets d’inquiétude sont nombreux, particulièrement sur les devises des pays émergents. Et il va sans dire que leur croissance économique s’en ressentira. Cela dit, dans les marchés émergents, l’on constate que la tendance des soins de santé n’évolue pas exactement comme l‘économie en général. Les soins de santé sont une préoccupation essentielle des populations. Nous observons aujourd’hui un important mouvement d’urbanisation, car les populations rurales qui migrent dans les villes bénéficient d’un meilleur accès aux soins de santé. Nous voyons aussi qu’en dépit des fluctuations économiques, la plupart des marchés voient émerger graduellement une classe moyenne. De ce fait, le revenu disponible à consacrer aux soins de santé des familles augmente. On constate donc une augmentation continue des dépenses en soins de santé. C’est pour cela qu’à mon avis, il faut se baser sur les données démographiques. Quelque 80 % de la population mondiale vit dans les marchés émergents. Ils sont encore nombreux à être privés de traitements. Mais ils sont aussi nombreux à voir leurs revenus augmenter. Sanofi est un leader dans ces régions et nous pensons qu’elles seront des moteurs de croissance pour l’avenir.
EBM : Enfin, quels sont les produits les plus prometteurs de votre portefeuille selon vous ? Y en a-t-il qui ne seraient pas encore connus des marchés ?
Christopher A. Viehbacher : Notre portefeuille de R&D est ce qui m’enthousiasme le plus. Nous avons passé cinq ans à construire des plateformes de croissance durable. Nous avions besoin de ces flux de trésorerie pour pouvoir prendre le risque de développer de nouveaux médicaments, et je pense que nous y sommes arrivés. Nous avons restructuré nos équipes de R&D, nous avons trouvé de nouveaux modèles d’innovation. Ce qui est intéressant maintenant, c’est que ces molécules sont sur le point d’être mises sur le marché. Prenons le produit alirocumab, notre PCSK9. Il est particulièrement prometteur parce qu’il permet de réduire les niveaux de cholestérol LDL à des niveaux encore jamais atteints. Nous avons un nouveau produit appelé IL-4 qui a déjà obtenu d’excellents résultats contre l’asthme sévère ou la dermatite atopique. Lorsque vous avez un médicament efficace contre deux maladies auto-immunes, il devient très intéressant d’étudier d’autres indications possibles. Et nous avons en effet une liste de 14 autres indications à l’étude.
Nous avons un nouveau vaccin contre la dengue. C’est un problème majeur de santé publique qui touche la moitié de la population mondiale, et pas seulement en Afrique subsaharienne. Cela concerne des endroits comme Singapour, la Chine méridionale, le Brésil. Nous pensons donc que ce sera une contribution importante à la santé publique ainsi qu’à la croissance du groupe.
Nous avons un IL-6 contre l’arthrite rhumatoïde. Il s’agit d’un marché mondial de biologiques de 21 milliards de dollars, dans lequel la part de marché de l’IL-6 progresse rapidement. Nous estimons que notre IL-6 aura un rôle majeur à jouer. Nous avons Cerdelga®, qui est la nouvelle thérapie orale contre la Maladie de Gaucher. Nous avons un autre nouveau vaccin en préparation contre les infections à Clostridium Difficile. Nous observons un véritable problème d’infections antibiorésistantes en milieu hospitalier, et ce vaccin pourrait convenir en chirurgie ou en soins de longue durée.
Toutes nos divisions se distinguent actuellement par l’innovation : en Santé animale, nous avons NexGard™ et Broadline™ pour les animaux de compagnie. Dans notre division Santé grand public, nous avons relancé Rolaids® et Nasacort® sera bientôt disponible sans ordonnance. Nous constatons qu’il y a de l’innovation partout. Et c’est précisément cela qui importe, parce qu’en fin de compte, la mission du groupe consiste à mettre à la disposition des patients des solutions nouvelles. C’est ce à quoi nous nous consacrons.
EBM : Chris Viehbacher, Directeur Général de Sanofi, merci beaucoup.
Christopher A. Viehbacher : Merci Adrian.